Hallu-Ciné : L’Aurore avant l’orage

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Le 3 septembre avait lieu à Toulouse l´édition 2011 du ciné-concert Hallu-Ciné. Après s´être une première fois confronté à l´oeuvre de Murnau (« Le Dernier des Hommes »), Jean Dauriac, son fondateur, a choisi « L´Aurore » pour « appronfondir la rencontre avec ce cinéaste. » Compte-rendu.

Au temps pour l’acuité des prévisions méteo. Prévu à l’origine dans la cour du Musée d’art contemporain Les Abattoirs, le ciné-concert Hallu-Ciné se calfeutre in-extremis à l’intérieur d’une église reconvertie en auditorium. Une première à huis clos en neuf ans d’existence pour cet événement d’ordinaire réservé au grand air. La cause : de violents orages attendus dans la soirée.

Or, à l’heure de l’ouverture des portes, si le vent se lève au-dessus de la Garonne, le ciel ne laisse présager d’aucune tempête mais le sujet alimente les conversations à l’entrée. Il n’est pas le seul. Gobelet en main, certains clients des bars voisins regardent curieusement le groupe massé devant les grilles d’entrée. Lorsqu’ils apprennent que cette foule (loin d’être homogène par ailleurs – on y trouve aussi bien des étudiants de première année que des quinquas sur leur 31) attend le début d’un ciné-concert, et donc un film-muet- en-noir-et-blanc, ils examinent leur verre avant de s’en retourner à leur terrasse.

hallu ciné par ruawniki  

Triangle amoureux

« L’endroit est chouette »
entend-on dans la file. Il l’est. À l’intérieur de l’Eglise Saint-Pierre, une rapide exposition des activités « interdisciplinaires » de l’association organisatrice, Terres Nomades, attend le spectateur. Crée par Jean Dauriac, l’Hallu-Ciné fait figure de prolongement : le souhait de créer « un espace de rencontre entre musique et cinéma ».

L’écran est encore blanc, bien que strié par un cable pendant d’une rampe d’éclairages. Derrière la toile, et tandis que la salle se remplit rapidement, la complainte d’un violon résonne. Le violoniste fait son entrée peu après, accompagné d’une chanteuse lyrique. Pierre Bleuse et Rany Boechat s’apprêtent à livrer leur interprétation de L’Aurore de Murnau.

Probable que la scénographie ait subie quelques modifications suite au déménagement de dernière minute. Mais, prenant place chacun à une extrémité de l’écran, les interprètes semblent faire écho au couple du film. Distants. Séparés. Coupés par une console électronique en retrait devant la scène, dont les sons, cristallins mais dénués de charme organique, pourraient clôre le triangle amoureux, réminiscence de la "femme de la ville ” pertubatrice du film.

 

 

 

Lumière et obscurité

Composée par le Français Marc Bleuse et l’Espagnol Alberto Llanas, la partition a le bon goût de ne pas chercher à ponctuer le film. Souvent décrit comme « de la musique en images », L’Aurore a son ryhtme intrinsèque. Bande-son d’un soir, l’Hallu-Ciné tente en quelque sorte l’inverse : faire de l’image en musique.

L’ensemble dégage un surplus d’onirisme. Avec sa nuée de voix, l’échappée d’un chien, lors d’une première tentative de meurtre, donne à la séquence un air de 2001 ou de Shining. Violons et voix se détachent, s’expriment parfois en même temps mais sans se mêler, plongeant dans les tourments qui agitent les personnages. Toujours entre lumière et obscurité, à l’image du travail photographique auquel le réalisateur allemand accordait son attention.

Même les scènes de comédie ne se débarrassent pas tout à fait d’un sentiment de menace. Comme si, après être passée au bord du gouffre, l’harmonie retrouvée du couple risquait de s’effriter au moindre coup de vent – dans la salle, l’épisode de l’orage qui s’ensuit est accueilli par un silence nerveux, électrique.

Certains spectateurs avoueront qu’il fut difficile de concentrer leur regard sur le film durant les premières bobines, trop curieux de balayer d’un musicien à l’autre. Mais peu à peu, l’auditorium se sera rétréci jusqu’à ne plus dépasser la taille de l’écran. Un moment au cours duquel musique et image se sont fondues l’une en l’autre. Inséparables.

À l’extérieur, loin des bourrasques annoncées, une fine pluie tombe. Elle s’arrêtera peu après la fin de la projection, tirant définitivement le rideau sur l’édition 2011 de l’Hallu-Ciné.

À Toulouse.

Relire l’article sur le coffret Dvd L’Aurore/City Girl (Carlotta)

www.terresnomades.net

Titre original : Sunrise, a song of two humans

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Durée : 115 mn


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