Dans l’Amérique contemporaine, on n’imprime plus la légende, mais on cherche à écrire l’histoire, la vraie : celle touchante et humaine à laquelle on peut s’identifier facilement, partager les aléas et peines du héros avant de le voir triompher de ses épreuves. Car oui le héros triomphe toujours. C’est donc, et David O. Russell le fait remarquer à de nombreuses reprises- intertitres introductifs, fausses interviews, apparition finale des vrais protagonistes -, l’adaptation d’un fait réel, mais pas du tout divers, qui nous est proposée : l’ascension de Micky Ward (Wahlberg), boxeur de seconde zone entraîné par son demi-frère Dicky Eklund (Christian Bale), gloire éphémère du ring. C’est une relecture du vilain petit canard qui s’offre à nous : le vilain petit frère moins doué, s’ébattant mollement dans l’ombre de la gloire du grand frère chéri par sa tendre maman (Melissa Leo oscarisée pour l’occasion). À ce joyeux trio, il faut ajouter la belle dulcinée qui viendra révéler l’homme à lui-même et faire de lui le héros (Amy Adams à qui il faudra bien dire un jour d’abandonner ses moues de Nicole Kidman du pauvre).
Sujet rabattu s’il en est, mais, on le sait, ce n’est pas le sujet qui fait la qualité d’un film, Fighter pêche à la fois par son ratage formel assez global et une sorte d’ambition non pas démesurée, mais surtout trop volontairement universelle. Tout est dans Fighter : le portrait, élément classique du film sur le sport, de même que la chronique sociale, le drame familial, la comédie de caractères, le pamphlet anti-drogue… On remue tout ça et malheureusement pas grand-chose n’en sort. Le drame familial est plombé par une volonté absolue d’humanisation des personnages (car personne n’est vraiment méchant au fond). L’aspect comique prend mal car ses ressources – pourtant évidentes avec des personnages secondaires hauts en couleur et en chevelures gonflées – sont peu exploitées et ses effets laminés par un montage à la truelle. Et le pamphlet anti-drogue a les airs navrants d’un spot de prévention desservi par la prestation grotesque de Christian Bale qui alterne gros accent et voix de vieux parrain pour laquelle il a été oscarisé comme meilleur second rôle au côté de Colin Firth le bègue (Le Discours d’un roi – Tom Hooper, 2011), la cérémonie des Oscars 2011 apparaissant plutôt comme le concours de la meilleure imitation.