Après Le Retour en 2003 et Le Bannissement en 2008, Andreï Zviaguintsev continue d’explorer les travers de la famille en Russie. Elena est une immersion au sein d’un couple, la soixantaine, que tout oppose. La santé, l’argent, la personnalité. Elena et Vladimir s’aiment mais d’un amour déchu, sans intensité et ancré dans la banalité du quotidien. Ils ont chacun de leur côté un enfant, un fils pour Elena, miséreux et père, une fille pour Vladimir, une bombe slave fille à papa. Quand Vladimir tombe malade et qu’il sent sa mort proche, la vie d’Elena bascule. Il n’est pas prêt à lui léguer sa fortune, bien décidé à en faire profiter sa fille chérie. Ayant donné sa vie, sa patience et sa gentillesse à son riche mari, Elena veut au moins en tirer profit et pouvoir subvenir aux besoins de son fils…
La réputation d’Andreï Zviaguintsev n’est plus à faire. C’est un maître des plans fixes, larges, d’une langueur exquise – un record de six minutes sans coupure dans Elena. Le réalisateur moscovite prend divinement le temps de s’approprier les choses, les objets, les moments et les émotions afin de les transmettre avec un style bien particulier. Sa touche : une certaine mélancolie dans l’image, grisée, triste, réelle. Il pose à travers le quotidien las de ce couple un regard à la fois précis et distant sur cette déchéance affective, émotionnelle et humaine.
Prix du Jury dans la catégorie Un Certain Regard à Cannes l’année dernière, le film décortique l’humain, pousse le spectateur à se demander ce qu’il aurait fait dans cette situation, peu importe sa nationalité. Dans le rôle d’Elena, Nadezhda Markina excelle. Personnage central du film, elle est poignante, le regard intense, les émotions froides mais vives. On suit son histoire et son rapport à sa famille, dans la société, ses choix. Mais à aucun moment le jugement n’intervient, elle vit, elle agit et réagit.