Hollywood, Hollywood !
La réflexion de Pierre Berthomieu repose sur une question centrale et récurrente : Qui sont les auteurs ? Cette problématique se retrouve à toutes les phases du projet, du scénario maintes fois retravaillé jusqu’au montage final, en passant, entre autres, par les choix musicaux. King Vidor, Joseph Von Sternberg et William Dieterle se sont succédés ou ont cohabité sur les différents plateaux, Berthomieu retrouve la patte de chacun des coréalisateurs grâce à un regard esthétique éclairé. En considérant l’œuvre non pas comme un tout, mais comme une savante composition de savoir-faire et de moyens, l’auteur de cet essai expose et explore tous les ressorts du cinéma classique hollywoodien. Au cœur de cette bouillonnante mécanique on retrouve bien évidemment un producteur hors-norme : David O Selznick. Obsédé par l’ambition de dépasser la flamboyance et le succès de son Autant emporte le vent, l’un des derniers grands nababs hollywoodiens gagne ses galons d’auteur à part entière. Autant par ses choix et interventions artistiques que par son intransigeance dans les rapports de force permanents avec les équipes du projet. Œuvre emblématique de ce temps des folies hollywoodiennes, Duel au soleil témoigne également des premiers signes crépusculaires d’un système classique mis à mal par les évolutions techniques et sociétales de l’après-guerre. Selznick apparaissant ici comme un précurseur à l’origine du premier blockbuster américain.
Rigueur et plaisir
Maître de conférences en études cinématographiques, Pierre Berthomieu s’appuie sur une démarche universitaire sans faille Un travail de recherche qui l’a conduit à se plonger dans les archives d’époque, à l’instar des différentes versions du scénario, ainsi que les scènes coupées au montage, dont quelques photogrammes figurent dans l’ouvrage Toutes les vérités contradictoires ont droit au chapitre ; ainsi s’écrit la légende du septième art. Rien ne relève cependant de la simple anecdote ou de la recherche du sensationnel. La grande force de Berthomieu réside dans sa capacité à produire des analyses aussi riches que limpides.
Les ouvrages produits par nos universitaires sont trop souvent opaques, difficiles d’accès pour ne pas dire ennuyeux. Pierre Berthomieu ne figure pas cette catégorie Son caractère passionné vient en permanence enflammer sa prose. Les 190 pages se dévorent d’un seul trait. Le plaisir est d’autant plus grand que le livre est un objet de très belle facture, magnifiquement illustré. Le livre exalte notre soif de découvrir le film et la richesse du film nécessite de retourner au livre.