Cocaïne Prison

Article écrit par

En Bolivie, Hernán est incarcéré pour trafic de drogue, sa sœur va tenter d’ obtenir sa libération : Un documentaire saisissant.

Un univers hallucinant

Quand la réalité dépasse la fiction… Ce vieil adage se vérifie (malheureusement encore) pour cette plongée dans l’univers de la drogue bolivienne. Le cadre de l’action ; essentiellement l’univers carcéral, est tout bonnement surréaliste. San Sebastian, une prison semblable à toutes les autres du pays (dixit la réalisatrice), dans laquelle les cellules sont réservées uniquement aux prisonniers qui peuvent les acheter, les autres hommes dormant dans les couloirs. Idem pour les repas qui doivent être financés et préparés par ces détenus. Un lieu accessible à tous les visiteurs à condition de payer un droit de visite. Tout en poursuivant ses interventions éducatives dans cet établissement, Violeta Ayala pose son regard de documentariste sur le destin de deux hommes, Hernán et Mario. La violence et l’insalubrité inhérentes au lieu ne sont pas ignorées, mais filmées brièvement avec une distance qui tend à ne pas tomber dans les attendus du sujet. La caméra qui est confiée par moments aux protagonistes s’attache à saisir ce curieux mélange d’espoir et de résignation qui cimente les relations carcérales et familiales. De la famille, il en est beaucoup question, car de sa proximité dépend le sort d’un individu. Hernán à la chance de pouvoir compter sur Daisy, sa sœur cadette. Une alliée déterminée qui ne se contentera pas de la voie légale pour arriver à ses fins. Dans l’intimité sans filtre d’un bureau d’avocat ou dans la stupéfiante livraison de drogue en Argentine, l’intrépide jeune fille joue les Jackie Brown. L’absence de commentaire et un montage apaisé rejettent tout recours au spectaculaire. Révélant ainsi l’effrayante banalisation d’une société qui semble laisser peu de voies de sortie pour une grande partie de la population.

 

Présumés coupables

Faute de moyens, arrestations pléthoriques, les détenus doivent attendre parfois trois ans en préventive avant que leur culpabilité soit éventuellement prouvée. Violeta Ayala entend bien dénoncer l’hypocrisie d’un système qui enferme sans état d’âme les « petites mains » d’un vaste trafic dont les principaux instigateurs ont visiblement bien moins à craindre. Louable engagement d’une femme militante et courageuse qui a décidé de laisser hors-champ les institutions politiques et les « gros bonnets » du réseau pour se focaliser sur leurs premières victimes ; une armée d’hommes  démunis qui  peuvent difficilement refuser de gagner leur vie en s’aliénant au trafic de drogue. La métaphore des fourmis, utilisée à deux reprises, illustre parfaitement cette situation.  Une fois le constat établi  sans appel,   on peut s’attendre à voir le documentaire explorer avec nuance les failles profondes de ses protagonistes. Au lieu d’explorer leur  part d’ombre, la réalisatrice préfère multiplier les moments qui démontrent  la complicité bienveillante  entre les prisonniers ainsi que l’inflexible  affection familiale. Le choix de s’attarder sur deux destins parallèles témoigne également du recours à une scénarisation trop orientée. Donnant parfois l’impression de se voir raconter une histoire plutôt que d’en vivre les différentes facettes. Le film reste néanmoins un témoignage nécessaire pour mesurer  un tel fléau de l’intérieur.

Réalisateur :

Année :

Genre :

Pays : ,

Durée : 75 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Le pavillon d’or

Le pavillon d’or

En incendiant la pagode dorée de Kyoto, relique architecturale, un jeune bonze expérimente une catharsis intérieure et la purgation des traumatismes qu’il a vécus jusqu’alors. Adaptant librement le roman de Yukio Mishima dans un scope noir et blanc éclairant le côté sombre du personnage, Kon Ichikawa suit l’itinéraire d’apprentissage torturant qui a conduit son antihéros à commettre l’irréparable.

La classe ouvrière va au paradis

La classe ouvrière va au paradis

Avec « La classe ouvrière va au paradis », Elio Petri livre un pamphlet kafkaïen sur l’effondrement des utopies du changement au sein de la mouvance ouvrière. Le panorama est sombre à une époque où l’on pouvait encore croire dans la possibilité d’un compromis politique et idéologique entre le prolétariat et les étudiants extrémistes militants en tant que ferment révolutionnaire. A l’aube des années 70, le cinéaste force à dessein le trait d’une aliénation au travail confrontée aux normes de productivité. Analyse…