Chers camarades!

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Après son très beau Michel Ange, Konchalovsky se penche sur un pan de l’Histoire de l’ex-URSS et revient sur la violence inhérente au pouvoir. D’après une histoire vraie.

Nouveau chef d’oeuvre

On pourrait qualifier ce 28e long métrage du maître Konchalovsky de nouveau chef d’oeuvre, surtout sur le plan stylistique. En 2020, en choisissant de proposer une description aussi sincère que possible des années 1960 alors que le camarade Khrouchtchev est au pouvoir et que le stalinisme est officiellement aboli, le réalisateur propose une autre thématique que celles auxquelles il était fidèle. Il faut dire que son cinéma a abordé tous les genres. Ici, il choisit de porter à l’écran une histoire vraie. Se croyant sortis définitivement de l’horreur stalinienne, les camarades en grève vont se retrouver face encore une fois à la violence, surtout celle du KGB. D’où le titre suivi ironiquement d’un point d’exclamation. En effet, Chers camarades ! est basé sur une histoire vraie qui s’est passée les 1er et 2 juin 1962 à Novocherkassk et qui a été gardée secrète jusque dans les années 90. La première enquête officielle n’a été ouverte que 30 ans plus tard, en 1992. En juin 1992, Youri Bagrayev, qui était alors assistant du procureur militaire en chef, a été désigné comme chef de l’équipe des enquêteurs dont le but était de clarifier les raisons et les circonstances des personnes ayant trouvé la mort lors des événements de Novocherkassk. Ils avaient également pour mission de localiser les corps.

Rendre hommage au cinéma soviétique des années 50

Approche politique de l’Histoire de son pays, mais aussi volonté de la part du réalisateur de gommer la manière dont on fit du cinéma à partir des années 60 en ex-URSS. Ainsi s’en explique-t-il dans le dossier de presse du film : « Récemment, nous avons tous vu beaucoup de films où les années 60, 70 et 80 du XXe siècle ont l’air fausses et artificielles, sans aucune ressemblance avec les films soviétiques réalisés à l’époque, comme Quand passent les cigognes ou La Ballade du soldat. Mon but était donc de reproduire scrupuleusement et dans les moindres détails l’époque de l’URSS des années 60. Je pense que les Soviétiques de l’après-guerre, ceux qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la victoire, méritent d’avoir un film qui rende hommage à leur pureté et à la dissonance tragique qui a suivi la prise de conscience de la différence entre les idéaux communistes et la réalité qui les entourait. »

Une réflexion sur la corruption et la trahison

Dans un magnifique noir et blanc en effet, avec une photo d’Andrey Naidenov, le film est tellement réussi techniquement aussi qu’on a du mal à le considérer comme étant réalisé de nos jours. Après le magnifique Michel Ange, et avec Chers camarades !, on peut dire que Konchalovsky a plus que réussi sa gageure et que son film aura une porté quasi universelle pour dénoncer les trahisons idéologiques, qui ne touchent malheureusement pas que les gouvernements socialistes, mais en font presque intrinsèquement partie. Et d’ailleurs, le maître n’est pas si optimiste et considère la corruption comme un poison hélas inévitable. « Quand je préparais Paradis, déclare-t-il, je cherchais deux acteurs pour jouer des nazis. Or aucun comédien ouest-allemand ne voulait s’engager, même payé, tandis que beaucoup d’Est-Allemands étaient prêts à jouer ces personnages. La partie occidentale de l’Allemagne ressent encore de la culpabilité. Des jeunes qui n’ont rien à voir avec les nazis ne veulent pas en parler. Dans le film, le chef du camp de concentration dit qu’un monde sans corruption serait complètement inhumain, un paradoxe désagréable à entendre, mais si vrai. La corruption, c’est enfreindre la loi au profit de vos émotions et de vos petits avantages personnels. Les Russes excellent dans ce domaine, et les Italiens aussi… »

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Durée : 120 mn


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