Che – 1ère partie : L´Argentin

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Premier biopic du cru 2009, le tant attendu << Che, l´Argentin >> filmé par Soderbergh ne parvient finalement pas à faire résonner la personnalité de Guevara ; ne tranchant ni pour la véracité historique, ni pour l´intensité dramatique, il permet simplement un détour par la jungle, dépaysant mais long, aux côtés d´un Benicio del Toro présent comme il faut.

Interpelé par la ressemblance entre Che Guevara et Benicio del Toro lorsqu’il le dirigeait sur Traffic, Steven Soderbergh s’est attelé, huit ans plus tard, à la lourde tâche de réaliser un biopic sur l’icône Ernesto « Che » Guevara – icône révolutionnaire principalement relayée en 2009 par le portrait mondialement connu qu’en a fait Alberto Korda, auprès de gens pas toujours au fait du véritable parcours en demi-teinte, ni blanc ni noir, du personnage. L’affaire s’annonçait ardue et malheureusement après ce premier épisode, l’est restée. Car, en effet, comment conter, même en deux films, la vie d’un homme qui a tout du roman d’aventures et qui reste largement méconnue? Né en Argentine, le « Che » a, entre autres, parcouru deux fois l’ensemble de l’Amérique latine, réussi la révolution cubaine aux côtés de Fidel Castro, été ministre cubain, tenté de renverser les gouvernements dictatoriaux congolais et boliviens ; il s’est aussi marié deux fois et était père de six enfants. Mais surtout, les deux faces de l’Argentin, homme politique et guérillero, présentaient une complexité irrésolue. Entre l’idéaliste – soignant les plaies des adversaires, rêvant d’un monde sans inégalités ni valeur monétaire – et le militaire pragmatique – fusillant sans sourciller les traîtres à la patrie, qui était-il vraiment ?
Dans la première partie du diptyque, le réalisateur d’Erin Brokovitch et le scénariste Peter Buchman (Alexandre, Jurassic Park 3, Eragon) ont pris le parti de se pencher uniquement sur l’épisode cubain du Che, se focalisant sur la guerilla orchestrée depuis la jungle. Les interrogations seront les suivantes : quid du parcours de Guevara jusque-là (tel son passage au Guatemala, épisode pourtant cité dans le dossier de presse) ? Quid de sa rencontre décisive avec Fidel Castro au Mexique (qui dure trois minutes à tout casser) ? Quid du débarquement cauchemardesque de Castro, du Che et de leurs hommes à Cuba (une phrase de texte en voix-off) ? Quid de sa politique en tant que ministre de l’industrie cubaine (rien, dans les deux parties) ? Et la réponse : le parti pris occulte des épisodes apparaissant pourtant comme pertinents, voire centraux, dans l’articulation de la personnalité du Commandante. Le caractère obscur du Che est quasiment absent, celui-ci usant de ses armes uniquement durant les batailles ; l’exécuteur de sang-froid décrit par certains anti-castristes n’a ici pas sa place. 

Très vite, le film nous plonge donc dans la jungle, pour en ressortir uniquement lors du discours anti-impérialiste du Che devant l’ONU (discours prononcé en 1964, dont la virulence poussera le représentant américain à quitter la salle), sorte de fil rouge disséminé ici et là. La structure narrative ainsi posée, pourquoi pas, la matière étant plus que conséquente. Ernesto Guevara nous est présenté comme un soldat puis commandant hors-pair, un leader charismatique que ses hommes suivront jusqu’au bout, un homme acharné dans son combat illustré par ses paroles : « La patrie ou la mort ». Il mène ses guerriers-partisans d’une main de maître (d’une main de fer dans un gant de fer) à travers la flore sauvage, les soignant, les éduquant, les emmenant à la victoire. Soderbergh veut nous montrer la conviction de cet homme : seule une révolution armée menée par des troupes convaincues et disciplinées peut ramener la justice à Cuba.
Or, l’objectif n’est atteint que superficiellement. Outre le parti pris, déjà évoqué, qui fait fi de l’ambiguïté du personnage, le film s’englue avec ses personnages dans la brousse. Les plans larges en Cinemascope, très beaux, notamment grâce à l’utilisation du prototype de caméra RED, nous laissent néanmoins trop à distance du Che et de ses troupes. S’il est vrai que l’image est pure, « organique, remarquablement adaptée au plus naturel des phénomènes – la lumière » dit Soderbergh, elle ne montre que tièdement l’enfer vert et sa boue, la peur, l’envie, la rage, la vie de ces hommes. Comparaison n’est pas raison, mais Apocalypse Now est loin. L’absence de plans rapprochés et de dramatisation de l’histoire, voulus par le réalisateur, créent une série de scènes jolies mais peu vibrantes. Tout l’opposé d’un Oliver Stone, qui s’approprie la réalité historique pour nous en mettre plein la vue, transformant un biopic en fiction pure (JFK ou Nixon). Le Che, l’Argentin de Soderbergh reste très pudique, probablement par peur de se perdre dans un sentimentalisme et/ou une héroïsation du personnage.

Reste un final plutôt bien mené (la prise de Santa Clara), et la performance, palmée, de Benicio Del Toro. Le comédien s’impose physiquement, la ressemblance est effectivement trompeuse, et compense la (trop grande) sobriété psychologique. Ne pouvant être porté par le peu d’enjeux dramatiques du scénario et de la réalisation, il s’en sort bien avec les honneurs.

De ce premier volet, ressort donc une œuvre bien jouée, bien filmée, pas inintéressante, mais plombée par un parti pris de fermeture narrative et émotionnelle. Le Che n’est qu’esquissé dans sa vie et son âme ; il n’est presque qu’un « che » (« mec » en argot argentin) parmi d’autres. On aurait voulu un film plus creusé sur cette existence hors norme, sur cet être tourmenté par ses idéaux et jusqu’au-boutiste. Espérons alors que la véritable révolution nous attende dans le second volet…

Titre original : Che Part 1

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Durée : 127 mn


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