Deux livres sont sortis ces jours-ci qui mettent en avant encore une fois le cinéma grâce au travail précis et méthodique des éditions Les Impressions nouvelles de Belgique. L’un est un ouvrage collectif paru dans la même collectif que celui dont nous avions déjà parlé, Cinéma à l’Université. Le regard et le geste, de Serge Le Péron et Frédéric Sojcher dans cette même collection Caméras subjectives. En effet, dans ce nouvel ouvrage, Mettre en scène théâtre et cinéma, dirigé par trois figures de l’enseignement et de la critique de cinéma en France, une dizaine d’entretiens avec des réalisateurs de cinéma et metteurs en scène de théâtre ont été menés pour mettre à jour les liens qui unissent le théâtre et le cinéma.
Ceci est d’autant plus remarquable qu’à notre connaissance aucun essai ne s’est penché encore sur cette union qui apparaît cependant de plus en plus clairement dans les réalisations qui sortent sur les écrans, notamment français, depuis des années. Avec une préface bienvenue de Peter Brook, Nguyen Trong Binh, Camille Bui et Jean-Paul Figasso sont allés à la rencontre de huit réalisateurs et réalisatrices qui ont également bien sûr une connaissance poussée du théâtre et de ses implications dans la réalisation cinématographique : Benoit Jacquot, Xavier Durringer, Arnaud Desplechin, Agnès Jaoui, Zabou Breitman, Safy Nebou, Guillaume Gallienne et Alexis Michalik. Ce sont des noms bien sûr très connus en ce moment et qui, pour la plupart, évoquent autant le cinéma que le théâtre, notamment pour les trois derniers en particulier. Du reste, Safy Nebou a su trouver la formule choc qui définir cette rencontre : « Le cinéma est un cent mètres, le théâtre une course de fond ». Les metteurs en scène d’une pièce ont désormais acquis un statut d’auteurs, au même titre que les réalisateurs d’une film ou les chorégraphes d’un ballet. Cela brouille un peu plus les frontières mais n’empêche pas de poser la question fondamentale de l’acte de mettre en scène.
Le deuxième ouvrage sorti un peu plus tôt, à la fin de l’été Marienbad et autres chroniques cinématographiques, est paru chez le même éditeur mais dans une autre collection, « Réflexions faites ». Christian Rosset qui avait déjà participé en 1979 à la mise en oeuvre de Souvenirs écran, le précédent livre de Claude Ollier sur le cinéma, a réuni ici des textes écrits par cet écrivain issu du Nouveau roman et disparu en 2014. Dans les années 50-60, Claude Ollier a en effet écrit régulièrement sur le cinéma dans divers journaux et revues, notamment la NRF et Les Cahiers du cinéma tout en menant une brillante carrière d’écrivain, notamment avec La mise en scène qui a obtenu le Prix Médicis en 1958. Quarante ans plus tard et cinq ans après le décès de Claude Ollier, Christian Rosset redonne aux textes écartés lors de la publication de Souvenirs écrans en 1979 mais qui n’ont rien perdu de leur acuité et de leur force d’analyse des nouvelles formes cinématographiques. On découvrira alors la manière dont ici Claude Ollier voyait des films devenus depuis lors des chefs d’oeuvres comme Jules et Jim, Eva, Cléo de 5 à 7, Cuba si, La Ronde de l’aube, L’attente des femmes et, en point d’orgue, L’année dernière à Marienbad qui donne de manière énigmatique le titre de ce recueil qui comporte, en plus, Aquarium, un essai sur l’oeuvre de Josef von Sternberg écrit en 1970 et un entretien avec Jean Narboni par Emmanuel Burdeau qui permet de situer la singularité des chroniques de Claude Ollier dans la mouvance de la critique cinématographique des années 60.
Claude Ollier. Ce soir à Marienbad et autres chroniques cinématographiques. Textes réunis et présentés par Christian Rosset. Les Impressions nouvelles, coll. Réflexions faites. Bruxelles, 2020. 248 pages.
T. Binh, Camille Bui et Jean-Paul Figasso (dir.) Mettre en scène théâtre et cinéma. Préface de Peter Brook. Les Impressions nouvelles, coll. Caméras subjectives. Bruxelles, 2020. 272 pages.