Deux ans que le premier chapitre de Ça est sorti sur les écrans et, en ce qui nous concerne, deux années passées sans trace aucune d’impatience quant à la sortie du second volet tant la déception était grande en 2017.
Les Ratés sont devenus adultes, tellement adultes qu’ils ont oublié avoir un jour été des Ratés. Hormis Mike, vigie restée à Derry pour avertir en cas de retour du Mal, les autres membres du groupe sont partis et ont réussi – écrivain à succès, architecte à succès, co-créatrice à succès d’une ligne de vêtements – du moins professionnellement. La découverte d’un corps déchiqueté 27 ans après la disparition de Georgie va ramener les Ratés à leur point de départ et des épisodes refoulés à leurs (pas très) bons souvenirs ; car Ça est revenu, et il n’est pas content. 2H50 plus tard, le résultat est à la hauteur de notre impatience : nul.
Rien à signaler
Dans l’impossibilité de se cacher derrière la nostalgie qui lui tenait lieu de seul et unique argument artistique, et de nous jouer de la flûte sur le deuil de l’enfance enfuie, Andy Muschietti se trouve bien dépourvu une fois la période contemporaine venue. En choisissant de scinder le roman – originellement construit en flash-back – en deux volets centrés sur le passé puis sur le présent, le réalisateur se prend les pieds dans le tapis et tombe dans la répétition. Car la scission n’est pas si franche que ça ; entre les séquences consacrées aux adultes s’intercalent des flash-back qui s’apparentent à des scènes coupées du chapitre précédent quand elles n’en sont pas de simple redites. D’accord, Bill et compagnie ont oublié ce qu’ils ont vécu à Derry et doivent se confronter à leurs souvenirs, mais nous, spectateurs, étions déjà là, pas besoin de nous rafraîchir la mémoire. Résultat, à baser sa narration sur des avant/après très artificiels, le film dure des plombes sans rien apporter là où la durée aurait permis – au choix- de donner de l’épaisseur au Clown, à la ville, ou pourquoi pas aux peurs de chacun. Au lieu de quoi le film se dilue et s’étale à n’en plus finir sur un schéma quasi tayloriste un personnage/ un trauma/ un personnage/ un trauma. Et en même temps, comment s’étonner de la médiocrité de l’écriture quand elle est confiée à Gary Dauberman, scénariste d’Annabelle et de La Nonne ?
Juste une mauvaise adaptation ?
Faisons un effort d’imagination et agissons comme si le film était une œuvre originale. A défaut d’être une bonne adaptation, Ça est-il au moins un bon film d’horreur ? Non. Non plus. La faute, en grande partie aux deux écueils de bons nombres de films de genre contemporains que sont la musique et les CGI moches, facilités mises au service de jump scare désamorcés par leur hyper prévisibilité. La séquence où Beverly retourne dans son ancien appartement est caractéristique de ce traitement par dessus la jambe de la peur ; au lieu d’instaurer un inconfort, de distiller le malaise pour faire monter l’angoisse, le réalisateur se contente d’apparitions/disparitions (qui auraient pu fonctionner s’il leur avait donné du temps) pour conclure à l’arrache par la charge d’une créature qu’on dirait encore à l’étape de la conception, et plutôt étape esquisse. Le tout, bien sûr, sur fond de musique tonitruante, véritable effet de mickey mousing qui nous dévoile tout avant même que rien n’arrive. Tout est basé sur des « bouh !! », des déformations très mal gérées (c’est vrai au fond, pourquoi faire confiance à un acteur?) et des déplacements du clown qui ressemblent à ceux de l’alien de Signes dans Scary movie 3. C’est peu. Si l’on essaye encore de considérer le film en-dehors de toute idée de comparaison avec l’oeuvre de King, le personnage d’Henry Bowers est incompréhensible et au-delà de la notion d’inutilité, et que dire du pseudo rituel amérindien à base d’abat-jour en peau de bison qui tombe comme un cheveu sur la soupe pour cocher la case « cimetière indien » du (vieux) film de genre.
Malgré sa durée interminable, Ça : chapitre 2 est un film vide, mal écrit, mal réalisé, qui ne raconte absolument rien, mais qui rentre au moins dans la catégorie des sagas dont les suites sont à la hauteur de l’original.