Bunny Lake a disparu (Bunny Lake is missing – Otto Preminger, 1965)

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Peut-être le film à sauver d´une fin de carrière aussi discutable que bancale, Bunny lake is missing reste un magnifique thriller où chaque détail plonge les protagonistes dans une spirale démesurée.

Inutile de revenir sur la filmographie élégiaque d’Otto Preminger, réalisateur américain d’origine autrichienne, réputé pour quelques classiques incontournables tels que Laura, Un si doux visage ou Mark Dixon, inutile car il faut toujours aller droit à l’essentiel, ne pas prendre de virages, ni de raccourcis, foncer coûte que coûte quitte à évincer les sempiternelles flagorneries du quotidien. Preminger, paradoxalement, en a fait son sacerdoce, puisant dans la méchanceté macabre des uns (Un si doux visage, Autopsie d’un meurtre, Tempête sur Washington) et l’inquiétante étrangeté des autres (Laura, Le Mystérieux docteur Korvo), tirant parfois la couverture vers des mises en propos aussi carrées qu’envoutantes. Tout est lisse dans un film de Preminger, travail d’orfèvre qui pousse parfois les limites vers une préciosité épuisante (Le Cardinal ou Exodus, deux films qui peinent à exister, faute de terrain d’entente entre un récit-puzzle et un style trop policé).

Bunny Lake is missing est une œuvre étonnante car elle concilie, dans une certaine mesure, les deux penchants premingeriens. Sans dévoiler l’intrigue, l’auteur dessine une silhouette dangereuse, qui s’adonne constamment à s’amouracher du vice tout en l’embellissant de situations hautement déroutantes voire irréelles. Bunny Lake est le surnom donné par Ann, jeune américaine, à sa petite fille Félicia. S’installant en Angleterre, Ann rejoint son frère, Stephen, journaliste de son état. Un jour, alors qu’elle venait récupérer son enfant à l’école, celle-ci manque à l’appel. Au bout d’un certain temps, la conclusion semble inévitable : Bunny Lake a disparu !

De nombreuses lignes furent écrites sur ce film, naviguant entre cadrages soignés et interprétation exquise (le trio Laurence Olivier, Keir Dullea et Carol Lynley crève effectivement l’écran, chacun apportant une vigueur dans le mental de leurs personnages). Outre ces qualités indéniables, il serait logique de soulever la masse labyrinthique définie par Preminger pour mieux cerner l’idée de folie qui en émane. Dans ce cas, le travelling apporte largement le condensé fantastique tant recherché, installant le spectateur dans un hors-champs mystérieux. Refusant de sombrer dans une description primitive d’une quelconque psychologie, Preminger va aérer ses plans en les étudiant au scalpel par le biais de lesdits travellings. Prenant le temps et l’espace, il déplace insolemment ses pions en les malmenant ici et là sans appuyer sur le pathos propre au scénario. Troublant de constater que ce fait divers conséquent n’est qu’anecdotique aux yeux de Preminger. Ce qui l’intéresse réside dans le geste de trop. Il scrute ses personnages, leur donne de la chair à canon et les observe s’entretuer. Acte déroutant, mais qui renforce l’atmosphère trouble où chacun a ses raisons de mentir, donc de fantasmer.

Bunny Lake is missing est une œuvre étonnante, empruntant la noirceur des contes cruels, donc du mélange des genres. Croisant le fer avec le grotesque et le thriller, Preminger dose savamment son film de quelques épices qui donnent un goût féroce. Progressivement, le spectateur sent l’impossible se matérialiser, et refusant toute facilité, ne peut qu’être fasciné par le retournement de situation aussi légère qu’exaltante. On ne peut qu’y adhérer car Preminger, depuis le début, depuis ce premier plan ou Stephen ramasse cette poupée laissée à l’abandon dans le jardin, donne toutes les clefs de l’énigme et donc, prends à part le spectateur pour lui dire : « L’intrigue est le cadet de mes soucis » !

Titre original : Bunny Lake Is Missing

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Durée : 107 mn


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