A partir de ce canevas initial, le film entend résoudre un whodunit classique en mêlant les perspectives simultanées de plusieurs personnages : le garde du corps, le touriste américain, le policier espagnol et même le président. Chaque récit doit ainsi livrer des indices menant vers le décryptage des événements du début du film.
A première vue, on pense bien évidemment à Snake Eyes de Brian de Palma dans lequel, déjà, une scène d’introduction nous confondait avec un assassinat politique dont le reste du film cherchait à résoudre l’énigme. Le réalisateur d’Angles d’attaques, Peter Travis, n’a néanmoins pas la maestria de De Palma pour nous « prendre en otages » avec ses images et amener à douter de ce que l’on voit à l’écran. Il parsème lourdement son film de dialogues, de gros plans, d’inserts qui destinés à aider à suivre l’intrigue.
Par conséquent, le film devient assez rapidement une suite de coups de théâtre plus ou moins bien orchestrés. Ce qui fait plus penser à un épisode amélioré de la série 24h chrono qu’à une réflexion sur la force des images en tant que miroir de sens et de vérités qui se voudraient implacables. Angles d’attaques aurait pu, à cet égard, être excitant, d’où la déception de devoir se contenter d’un simple divertissement où chacun joue son rôle selon les canons américains : le bon patriote, le méchant terroriste, l’affreux traître, le pauvre manipulé. On notera d’ailleurs que les acteurs qui s’en sortent le mieux, dans cette grosse machine hollywoodienne, sont des étrangers : Eduardo Noriega est impeccable, Saïd Taghmaoui séduit malgré un rôle assez pauvre. A côté, Dennis Quaid, Matthew Fox et même William Hurt semblent en roue libre, en-dessous des ambitions du projet.
Malgré ce manque d’envergure, on pourra voir dans ce film une nouvelle illustration de l’obsession américaine de la mort en direct. Dans son livre 26 secondes : L’Amérique éclaboussée, Jean-Baptiste Thoret rappelait brillamment comment le meurtre de Kennedy en novembre 63, à travers sa couverture cathodique inédite, avait influencé tout un cinéma politique américain futur (celui d’Arthur Penn, de Brian De Palma, d’Alan J. Pakula, d’Oliver Stone). Le petit film amateur d’Abraham Zapruder sur les 26 minutes de l’assassinat de Kennedy mettait en effet en doute la capacité des images à nous donner les clés de la vérité, à livrer le réel dans une transparence intégrale. La mort cinématographique de Kennedy devenait un mystère dont la vision répétée de ce petit film ne pourrait venir à bout.
A sa façon, Angles d’attaques rejoint cette obsession en la modernisant avec le traumatisme du 11 septembre, Lee Harvey Oswald laissant place aux terroristes islamistes. L’impuissance du spectateur contemplant en boucle les images de CNN des tours du World Trade Center devient ainsi cette ligne de fuite, celle qui mène Peter Travis à montrer et remontrer l’assassinat de son président sous tous les angles possibles, et dans les yeux de chacun des personnages présents. Il s’agit bien de revivre un drame collectif, mais en trouvant le moyen cette fois-ci d’y trouver un sens et d’agir dessus. On pourra préférer, sur un sujet similaire, le très étrange Death of a President de Gabriel Range qui touchait plus finement à cette psychose américaine. Raison pour laquelle… ce dernier fut très mal accueilli aux Etats-Unis et qu’à l’inverse, Angles d’attaques, avec son habillage de pur entertainment, ne dérangera pas autant.