Yu a la vingtaine, elle est vendeuse dans une petite boutique. Elle vit avec Kei, un comédien plutôt flemmard qui voit les rares scènes qu’il arrive à décrocher coupées au montage, et n’a aucun scrupule à vivre aux crochets de sa petite amie. Ils vivent dans un équilibre précaire, au jour le jour. Un soir, de but en blanc, Kei demande Yu en mariage – une proposition qui va encore perturber un peu plus un quotidien déjà fragile. Pas de véritable scénario dans 2/Duo, plutôt un argument en quelques lignes que Suwa a écrit après 8 versions d’une autre histoire, qui s’appelait La Femme au miroir et que le cinéaste, insatisfait, a fini par abandonner. Ce sont les acteurs eux-mêmes qui sont à l’origine des dialogues et des scènes, écrites au fil des jours en fonction des séquences improvisées et jouées sur l’instant. C’est ainsi que, dans ses scènes les plus fortes, 2/Duo parvient à retranscrire l’insaisissable, le point de bascule d’un couple : ici, un panier de linge sale qu’on jette à la figure de l’autre ; là, des amies invitées pour le thé qu’on congédie dès leurs arrivée parce qu’on sent que ça va éclater. Le sens du cadre du chef opérateur Tamura Masaki parvient lui aussi à faire émerger l’authenticité : « il suffit que les choses soient dans l’image », aurait-il dit sur le tournage – bel effacement de la technique devant l’humain.
2/Duo est un film sans cesse dans l’entre-deux, dans les limbes d’une relation pas encore terminée mais qu’on sait n’avoir plus de futur. C’est l’agressivité qui règne entre Yu et Kei, un abattement qui ne pourra plus trouver d’exutoire, surtout pas dans une demande in extremis en mariage. 2/Duo est souvent affligé, c’est sa limite, et les scènes, sortes de vignettes mises bout à bout, sont inégales. Le film est, de manière étonnante, le plus passionnant quand il regarde Yu et Kei séparément : dans de belles séquences d’interviews, tournées en extérieur, Suwa questionne l’un et l’autre sur l’état de leurs sentiments et sur les raisons du délitement. Là, 2/Duo touche à une certaine vérité de l’amour : ce n’est pas seulement les acteurs qui sont interrogés dans le cadre d’une oeuvre, d’un procédé, mais deux personnes qui, dans la « vraie vie » aussi, ont dû passer par des peines sentimentales. C’est par cet abandon du réalisateur à ses comédiens que le film fascine souvent : en les mettant au centre, il leur permet d’écrire une histoire qui pourrait aussi bien être la leur.