Une intime conviction

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Pour son premier film, Antoine Raimbault plaide pour la présomption d’innocence : convaincant !

En février 2000, Suzanne Viguier disparait de son domicile. Rapidement les soupçons se portent sur Jacques, l’époux qu’elle s’apprêtait à quitter pour vivre avec son amant. Il faut attendre 2009 pour que le procès se déroule. Suzanne n’a jamais été retrouvée, aucune preuve solide au dossier : Jacques est acquitté. Mais le parquet va faire immédiatement appel du verdict. Pour le deuxième jugement, qui a lieu en 2010, le célèbre Eric Dupond – Moretti entre en scène pour défendre Jacques Viguier. Antoine Raimbault, passionné par le sujet, va assister à l’ensemble du procès et prendre en note scrupuleusement les différents témoignages et plaidoiries qui vont nourrir le scénario de son premier long-métrage. La reconstitution fidèle des débats se double d’une course contre la montre menée par Nora, qui, présente depuis le début de l’affaire, est intimement convaincue que le véritable coupable court toujours. Mais la vérité n’est-elle pas une simple vue de l’esprit ?

 

 

Présumé coupable

Lors de la première séance, le juge fait référence à Une femme disparait pour présenter la singularité des faits. Le faux coupable, un autre classique d’Hitchcock, conviendrait parfaitement pour décrire la spirale infernale dans laquelle se retrouve plongée Jacques Viguier ; incapable de convaincre ses accusateurs d’un crime qui n’a jamais été avéré. Une situation Kafkaïenne démontrant l’absurdité d’un système judicaire qui peut broyer l’existence d’un homme sur de simples spéculations. À l’instar de Maître Dupond-Moretti, Antoine Raimbault ne prétend pas pouvoir résoudre l’affaire. Il ne cherche pas non plus à prendre absolument la défense de Jacques Viguier. Laurent Lucas le campant de la plus sobre des manières, plongé dans un mutisme quasi permanent. Raimbault livre une croisade universelle pour défendre la présomption d’innocence. Un droit fondamental trop aisément balayé par le souffle puisant et insidieux de la rumeur. Dans la toge de Dupond-Moretti, Olivier Gourmet à la fin de l’envoi nous touche. Après sa truculente interprétation dans Edmond, son éloquence trouve un nouveau personnage à sa dimension. Au-delà du mimétisme parfaitement maîtrisé, le comédien qui a rencontré l’avocat sans souhaiter assister à l’une de ses plaidoiries s’est transformé en un impressionnant porte-parole de la justice.

 

 

La mécanique de l’ombre

Pas intéressé dans un premier temps par l’affaire, l’avocat cède à l’insistante Nora. Par manque de temps et de moyens, il lui confie le fastidieux et interminable travail sur les archives téléphoniques. Si, aussi étonnant que cela puisse paraitre, l’absence de prise en compte des innombrables échanges entre l’amant de Suzanne et son entourage est un fait réel, le personnage de Nora (Marina Foïs), quant à lui, est totalement imaginaire. S’en suit une enquête qui tourne à l’obsession pour la mère célibattante. Dans la tradition des thrillers hollywoodiens paranoïaques des années soixante-dix, la tension se développe habillement. Le cadre se resserre, le rythme crescendo des indices et des hypothèses pèsent de plus en plus sur la santé de Nora. La mécanique scénaristique est bien huilée, même si les incursions dans la vie privée de l’héroïne sont un peu moins heureuses. On en vient cependant à regretter que cette enquête soit si prégnante, un peu trop au détriment de la dimension axiologique du sujet. Néanmoins, ce polar-juridique possède  suffisamment d’arguments solides pour nous convaincre.

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Durée : 110 mn


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