Été violent

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« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

J’ai cru comprendre à la lecture des classiques comment opère merveilleusement la fusion entre une histoire particulière et l’événement historique.” (Valerio Zurlini)

Mélodrame amoureux où les observations sociales s’entremêlent aux vicissitudes historiques. A l’été 1942, l’effort de guerre mussolinien s’effondre et l’Italie plonge dans la guerre civile. Une jeunesse italienne aisée et indolente participe à une fête de famille. Carlo Caremoli (Jean- Louis Trintignant) est un jeune séducteur. Il flirte avec Rosanna (Jacqueline Sassard), une brunette accorte et sensuelle. Bientôt une trentenaire attise son regard: Roberta (Eleonora Rossi drago). Elle est veuve d’un héros de la marine. Conduite à faire face à sa nouvelle situation, la voilà tiraillée entre son
engagement moral à son défunt mari avec lequel elle n’a jamais été en phase et les austères conventions vertueuses d’une mère autoritaire qui s’évertue à brider sa libido. Face à ces contradictions existentielles, elle cédera aux sirènes lancinantes de sa peine de cœur.

Fils d’un fasciste de haut rang, Carlo est protégé par les relations de son père. Il est réfractaire à la conscription et s’est jusque là dérobé au service militaire. En passe d’expirer, son ajournement n’est plus recevable.

 

 

Une histoire particulière

Zurlini inscrit son film dans cette équation : la petite histoire est magnifiée par la grande. Il suit en cela les préceptes d’un Tolstoï, son écrivain de chevet.

Le film devait être réalisé en huit semaines. Son tournage fut pavé de difficultés insurmontables dues en grande partie à des conditions misérabilistes. Jusqu’à la veille de la fameuse séquence finale de bombardement où Goffredo Lombardo, le producteur, nous donna les moyens du spectaculaire.” (Valerio Zurlini à Jean Gili)

A ce stade de la réalisation, Zurlini s’est efforcé de restituer par des insinuations et des regards croisés l’atmosphère de vide existentiel qui caractérise la jeunesse de ce temps qui exprime une absence d’horizon et d’espérance quant à l’avenir. Il montre une bourgeoisie hébétée et leur progéniture choyée, gâtée et surprotégée.

La lutte intestine contre des conventions sociales qui suintent comme un ulcère prélude à un crescendo final, morceau de bravoure, sur une voie ferrée bombardée par les troupes alliées.

Le couple improbable

Selon moi, un couple est impossible à priori et par définition et pas seulement à cause de la différence sociologique ou d’une barrière extérieure.” (Zurlini)

Pour Zurlini, la fusion du couple est un phénomène gazeux de l’ordre de l’alchimie et donc fatalement périssable. Il croit à l’intensité des sentiments. Ce plus de sentiments. Année pivot, 1943 marque la chute de Mussolini le 25 juillet suivi de l’armistice du 8 septembre conduisant à l’occupation de l’Italie par les allemands. Tandis que les deux amants forcenés s’éclipsent par le train dans le but avoué que Carlo échappe à sa conscription imminente, un raid allié déroute leur fuite. Le morceau de bravoure de la scène finale atteint son impact si l’on peut dire. Le fatalisme historique écrasant
de Zurlini entre en collision avec ses interprètes précipitant par là même leurs destinées.

L’amour fou en contrepoint de la mort imminente

Les troupes alliées se déplacent vers le nord de la botte italienne. Le régime fasciste vacille sur son socle. Zurlini s’inspire de Le diable au corps de Raymond Radiguet (1923) pour évoquer l’amour fou en contrepoint de la mort imminente figurée par la guerre et son corollaire.

Le réalisateur de Le soldatesse, des filles pour l’armée s’adjoint les services de Suso Cecchi d’Amico, sa co-scénariste, la plus renommée de l’histoire du cinéma italien. Le magnétisme des regards croisés renvoie au magnétisme sexuel. L’élan pulsionnel et fusionnel qui anime les deux amants est suffisamment impérieux pour défaire l’obsession harcelante de contrôle qui envahit la société issue de l’Italie fasciste. Ici c’est la femme qui séduit l’homme et non l’inverse. La femme mature est l’icône d’une émancipation féminine. Dans Eté violent, Eleonora Rossi Drago n’est jamais et en aucun cas la victime des hommes. Son ennemi est sa propre loyauté conflictuelle et sa seule libido qu’elle n’est pas parvenue à domestiquer.

Titre original : Estate violenta

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