Le théâtre peut changer la vie
Dans les pays anglo-saxons, l’expression désigne les veilleuses, généralement sur trépied, qui restent allumées au centre des scènes de théâtre la nuit. C’est dire si le théâtre va occuper la place centrale de ce beau film qui montre comment cet art peut changer la vie. C’est pourtant un peu répétitif car, actuellement, nombre de films, tels que Sing Sing récemment, tentent de prouver la même chose, mais Ghostlight a quelque chose en plus, d’émouvant et de réaliste même s’il fonctionne presque comme un conte de fées. L’histoire est simple et alambiquée en même temps. Presque incroyable et irréaliste et pourtant elle fonctionne parfaitement. Dan travaille sur des chantiers de voirie à Chicago. Sa vie familiale est compliquée, et rendue triste par un deuil récent dont nous découvrirons que très lentement et par à-coups les origines et les péripéties. Comme il fait beaucoup de bruit avec ses machines puissantes, il dérange une dame peu amène qui vient l’insulter. Mais peu à peu, comme deux solitudes tristes qui s’apprivoisent, ils vont finir par se parler, mieux se connaître et c’est elle qui l’entraînera dans une expérience théâtrale qui va changer sa vie. On voit ce film très tendre et on ne peut s’empêcher de croire ce qu’il nous dit, à savoir que le théâtre peut changer une vie, même si cela semble impossible. On veut le croire.
Se reconstruire après la perte
Kelly O’Sullivan et Alex Thompson ont fait ce film à deux. La première, Kelly O’Sullivan, est scénariste et a participé à trois films. Elle a écrit le film Saint Frances réalisé par son compagnon Alex Thompson qui a déjà trois films à son actif. Saint Frances traitait de l’avortement, et Ghostlight du deuil. Les réalisateurs n’y voient aucune continuité mais, cependant, il est presque normal de se poser la question. Dans les deux cas, il s’agit de se reconstruire après une perte. Kelly O’Sullivan reconnaît le sujet de son film dans le dossier de presse : « Le deuil est quelque chose que nous traversons tous d’une manière ou d’une autre. C’est donc un mélange de mes propres expériences et de ce que j’ai observé chez des proches. »
Magnifique et émouvant
Par sa belle lumière et une photographie très artistique, le film repose aussi beaucoup sur des comédiens magnifiques qui parviennent par leur présence très charismatique à faire croire qu’ils sont eux aussi des comédiens confrontés à la magie d’une pièce de Shakespeare, Romeo et Juliette, un véritable drame qui pourtant va leur apporter beaucoup de bonheur. On devrait parler de tous les comédiens, véritables professionnels qui arrivent à faire croire aux spectateurs qu’ils sont des amateurs jouant dans une petite troupe de quartier alors qu’ils sont super doués. On remarque surtout la grande actrice Dolly de Leon qui a travaillé pour Lav Diaz puis qui décroche un grand rôle dans Sans filtre (Triangle of Sadness), réalisé par Ruben Östlund, Palme d’or du Festival de Cannes 2022. Depuis, Dolly de Leon joue régulièrement au cinéma aux États-Unis, dernièrement, dans Carla et Moi de Nathan Silver et Jackpot ! de Paul Feig. Et puis, il y a les comédiens qui jouent les membres de la famille Mallen-Kupferer. A la ville, Tara Mallen est l’épouse de Keith Kupferer. Katherine Mallen Kupferer est leur fille. Keith Kupferer est incroyable d’émotion et de véracité dans le rôle d’un ouvrier triste qui redécouvre le bonheur en découvrant par hasard le théâtre. Magnifique et émouvant, un grand film, à découvrir d’urgence pour aller mieux.