Terre battue

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Partant d’un fait divers, « Terre battue » va plus loin pour tenter de dénoncer un monde impitoyable, celui du tennis, mais aussi celui du travail et de l’amour.

Inspiré d’un fait divers, Terre battue est le premier long métrage de Stéphane Demoustier, qui a réussi à lui donner une sorte de force autobiographique tout en restant à l’extérieur de ce drame. Enfant, Stéphane Demoustier fut lui-même plusieurs fois champion de ligue en tennis et son père adorait les supermarchés que la famille visitait lors de leurs vacances comme d’autres les églises ou les châteaux. Son dernier documentaire, Les petits joueurs (2013), se penchait sur le parcours de trois enfants qui participent aux championnats de tennis des 10-11 ans. C’est sans doute pour ces raisons, et d’autres peut-être plus secrètes, que lorsqu’il prend connaissance du fait divers d’un père qui avait mis des somnifères dans l’eau des joueurs adverses de son fils lors d’une finale de tennis, jusqu’à provoquer la mort de l’un d’entre eux, qu’il a l’idée d’en faire un film. C’est d’ailleurs au cours de la préparation et du tournage de son documentaire qu’il rencontra Charles Mérienne qui deviendra le personnage central de Terre battue, parce qu’il fallait que l’enfant soit un excellent joueur de tennis. Et c’est un très bon choix.

Au-delà de l’anecdote, le film propose en fait une fine analyse de notre société du spectacle où il faut à tout prix gagner (à tous les sens du terme). Il n’est donc pas étonnant que les frères Dardenne, à la lecture du scénario, décidèrent de produire le film d’autant que le rôle du père est tenu par Olivier Gourmet qui a déjà incarné de splendides personnages dans les films des frères belges. L’action du film se situe d’ailleurs dans le Nord de la France, à Villeneuve-D’Ascq, une région qu’ils connaissent bien et le réalisateur aussi puisqu’il en est issu.

 

Dès le début, le film s’impose non pas comme vraiment social, mais comme une métaphore sur notre monde sans pitié. On voit le père se préparer dans son bureau et descendre quelques marches pour saluer les employés d’un supermarché de province. Par ces quelques images, on comprend tout de suite qu’il vient d’être licencié et le film démarre alors fort, sur une situation que de nombreux, trop nombreux Européens connaissent. Celle du chômage qui n’est pas seulement une épreuve sur le plan économique, mais surtout sur le plan psychologique car, dans une société qui se veut entreprenante et dynamique, le fait de se retrouver sur la touche est complètement humiliant. La métaphore ne s’arrête pas là puisqu’on peut aussi faire le parallèle avec le sport que son fils, Ugo, a choisi, le tennis qui est aussi cruel car les joueurs s’affrontent dans un duel sans merci qui ne laisse qu’un seul vainqueur, le vaincu est mort pour ainsi dire. C’est un peu ce qu’annoncent sans ambages les recruteurs au père lorsqu’ils lui annoncent qu’ils ont choisi son fils et que la compétition sera rude.

Dans la belle maison blanche, qui est d’ailleurs celle dans laquelle le réalisateur passa son enfance, sorte d’hommage à la fois à Jacques Tati mais aussi à la réussite sociale, la vie continue de s’effriter lorsque Jérôme apprendra que sa femme, Laura interprétée par une Valeria Bruni Tedeschi toujours impeccable, le quitte. Mais l’optimisme de Jérôme est à toute épreuve et il continue à bâtir des plans pour ouvrir son propre supermarché, jusqu’au jour où il apprendra que ses associés ne le suivent pas. Séparé de sa femme, sans travail, mais surtout sans illusions maintenant, Jérôme se réfugiera dans la réussite de son fils. Nous ne dévoilerons rien de la fin du film ; nous préciserons juste qu’il y a une petite différence entre le scénario de Stéphane Demoustier et la réalité du fait divers, ce qui montre encore une fois jusqu’où on peut aller dans ce monde pour réussir. Et les réactions des uns et des autres sont également symptomatiques des comportements humains, allant de la folie au courage en passant par le dévouement et l’abandon. Un beau film, tout en demi-teintes mais profond.
 

Titre original : Terre battue

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Durée : 95 mn


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