L’Amour caché

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Portrait noir, au coup de pinceau parfois trop figé mais fin et soigné, d’une femme étrangère aux joies de la maternité. Mère et fille se détestent, au milieu d’un univers étouffant, à peine traversé par une lueur timide et lointaine.

 « Un être malsain a donné naissance à un autre être malsain : ceci est mon histoire et celle de Sophie… Sophie me déteste et je voudrais ne jamais l’avoir mise au monde. »

L’auteur de ces phrases s’appelle Danielle, soignée dans une clinique après avoir essayé de se donner la mort. Le cordon ombilical qui unissait mère et fille était déjà ténu et froid comme une aiguille. Danielle et Sophie n’entretiennent qu’une relation emplie de haine, où les échanges ne sont plus que des flèches empoisonnées, transperçant des corps déjà acculés au bord d’une falaise vertigineuse. L’amour maternel n’a jamais illuminé ces flashbacks en noir et blanc ponctuant le film, où plane une atmosphère d’aversion et de cruauté. Pas d’étreintes entre la mère et son enfant. Le contact physique est repoussant, le contact tout court est répulsif. Passé, présent… et toujours deux êtres, l’un à l’image de l’autre, qui marchent sur un sentier jonché d’éclats de verre brisés en mille morceaux, peaux entaillées, ecchymoses à l’âme. La  relation filiale est fuligineuse et la blancheur de la clinique dénote impasse et stérilité.

Alessandro Capone filme une mère qui voit en sa fille à la fois son double et son antagonisme, propre reflet de soi, emprisonné dans une eau croupissante. Le réalisateur parvient à dégager le mal-être de Danielle en laissant son personnage s’exprimer en voix off, d’une voix qui trahit un cri perçant de douleur intérieure. La souffrance de la mère s’affiche aussi au détour d’un gros plan sur ses mains nerveusement enserrées, mains refermées sur elles-mêmes et qui écartent toute faculté créatrice, à la différence de celles visibles sur la célèbre fresque de Michel-Ange (La Création d’Adam), capables d’insuffler la vie. Les doigts de Danielle s’agitent mais ont un mal fou à accoucher d’une phrase sur un papier de la blancheur d’un paysage sibérien en hiver, comme pour signifier un refus de la conception. La procréation ne suscite guère de joies, mais génère répugnance, tension, conflit et solitude. Les symboles de la fécondité, comme la pluie, ne sont désormais associés qu’à un déluge, celui du néant, glacial. 

Danielle déambule dans les couloirs claustraux et oppressants de la clinique, harcelée par des vagissements intempestifs et si elle parvient à s’échapper de ce cloaque, c’est seulement pour errer dans des rues débouchant sur un chemin d’aridité. Dommage que dans ce tableau de cellule familiale implosée, Sophie (Mélanie Laurent) n’ait une place plus importante. Idem pour le rôle de la psychiatre, pas assez approfondi, si bien que toutes ses apparitions finissent par avoir un caractère très accessoire et superflu. À l’image de son personnage principal, le long métrage est replié sur lui-même mais le dénouement, tragique et à la fois serein, est très beau : les plaies de l’âme et du coeur, bien que filmées dans une mise en scène un peu trop rigide, ne laissent pas indifférent.


Titre original : Madre e Ossa

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Durée : 90 mn


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