Gatsby le magnifique

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La décadence des Années folles une nouvelle fois racontée au cinéma par le réalisateur de « Moulin Rouge » et « Roméo + Juliette ». À défaut d´être magnifique, ce Gatsby est terrifique…

Film Hors Compétition présenté en ouverture du Festival de Cannes, Gatsby le magnifique s’adresse plus aux fans de glamour qu’aux cinéphiles. Réalisé par Baz Luhrmann, 17 ans après Roméo + Juliette et 12 après Moulin Rouge, le film est une énième adaptation du succès littéraire éponyme de Francis Scott Fitzgerald. Celle qu’en a donnée Jack Clayton en 1974 avec Robert Redford n’a rien à envier à ce Gatsby 2013, monté façon R’n’B et « bling-bling ». Baz Luhrmann s’est-il trompé de registre ?

Un phare vert au loin dans cette nuit très noire que seuls les éclairages des villas font quelques fois scintiller. Un personnage central, le bon ami Nick Carraway, vient s’installer dans une petite maison proche d’un presque château, celui de Gatsby. Un amour passé, ravivé au présent, le tout dans un cadre luxueux et puant l’argent… Gatsby le magnifique (1925) conte les aventures folles de riches propriétaires à deux pas de New York. Années folles, dépenses folles, rythme fou, les femmes plumées et pailletées se déchaînent sur les pistes de danse improvisée, les hommes s’alcoolisent sans limites et la fidélité est rangée au placard. Le livre, base de cette adaptation au cinéma, nous transporte dans cet univers confortable et pourtant cruel ou l’amour, même s’il existe, ne triomphe pas forcément.

De l’écrit, le réalisateur australien Baz Luhrmann n’en a gardé que la trame. Cette histoire, si lue et commentée depuis les années 1920, n’est toutefois que prétexte à un faste torrent d’images spectaculaires, de show à l’américaine légèrement Années folles et d’anachronismes en tous genres. En 3D, en relief, avec des effets spéciaux, avec des acteurs superstars, Gatsby serait-il devenu ce riche que l’on déteste ? Serait-il finalement le film à ne surtout pas aller voir ? Leonardo DiCaprio est un excellent acteur, Carey Mulligan est très charmante avec sa moue de petite fille, Tobey Maguire est tout aussi séduisant mais malgré ce casting de rêve, le film peine à être crédible.

 

 

125 millions de dollars dépensés pour sa réalisation, Gatsby 2013, c’est un très long clip sans fin, voire même la bande annonce nouvelle version de la série Amour, gloire et beauté. La bande son du film, qui laisse entendre les voix de Jay-Z, Beyonce, Florence and the Machine, Lana del Rey, des musiques bien éloignées des Années folles, nous emmène à grand-peine vers une autre époque mais surtout, dessert le film. Si ces danseuses noires à peine vêtues de frou-frou sur du R’n’B’ ont certes l’avantage de dévoiler les intentions du réalisateur, montrer la décadence des Années folles, la superficialité des soirées, hors contexte, rien ne s’apparente à du cinéma – plutôt au dernier clip d’un chanteur de rap américain.

Quant à la réalisation, très soignée, très travaillée mais lisse, elle ne laisse aucune chance à la mise en situation. Tout semble faux, tout semble de l’ordre du glamour hollywoodien plutôt que de l’aventure cinématographique. On s’arrête aux détails, les coiffures, les robes de soie, les danses folkloriques, mais aux oubliettes l’histoire d’une société de riches décrite par un Francis Scott Fitzgerald alors dans ses dernières années de gloire – et d’alcoolisme ! Tourné dans les mêmes studios que Moulin Rouge, en Australie, avec des décors et des costumes conçus par la femme de Baz Luhrmann, Gastby le magnifique se rapproche plus d’un délire visuel saupoudré de confettis que d’un film ancré dans une époque, racontant une histoire d’amour tragique et témoignant de la folie des années 1920.

Pour se réconforter, il reste à voir au Festival de Cannes dans la catégorie « Un Certain Regard » le dernier film de Sofia Coppola, The Bling Ring, qui pour la peine, annonce officiellement la couleur… de l’argent.


À lire :
La présentation du Festival de Cannes 2013.

Titre original : The Great Gatsby

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Durée : 142 mn


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