Miss Marx

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Biographie de la benjamine Eleonor Marx, ce film un peu décousu aborde de manière plutôt intime le combat féministe.

1883, Karl Marx est enterré à Highgate, un cimetière de banlieue Londonienne. Il laisse derrière-lui une vie d’ouvrages, ceux qu’il a écrit et ceux qu’il n’a pas pu finir, dont les deux autres tomes du Capital, sous forme d’une masse de notes diverses et de feuilles volantes disséminés dans d’autres ouvrages. Une montagne de travaux destinés à jeter les bases du monde de demain, mais qui demeurent inachevés. Eleanor, sa troisième fille, a 28 ans. Héritière de ses idées, ses lettres et surtout de son nom, la jeune femme séparée (émancipée ?) de cette figure paternelle doit vivre sa vie, faire ses propres choix et tenter de trouver sa place dans une société qui n’est favorable ni aux femmes ni aux socialistes.

Susanna Nicchiarelli construit son film biographique de manière un peu décousu, quoi que linéaire et chronologique, à travers des passages choisis de la vie d’Eleanor Marx. Figure peu connue, elle n’aura pas publié d’ouvrages célèbres ou ne se sera pas illustrée par de grands coup d’éclats, et la réalisatrice ne cherche pas à en restaurer la mémoire. Elle n’essaie pas non plus de faire un documentaire sur la question ouvrière de l’époque à travers ce portrait. Ce qui l’intéresse, c’est la vie ordinaire d’une femme, derrière les discours et les idées, confrontée à ses désirs et aux contraintes de son époque.

 

L’Histoire et la misère ne s’invitent ici que par écho. La commune apparait par exemple sous forme de photo, dans un montage à la musique assourdissante qui contraste violemment avec le reste du film. On entend parler de ses engagements, on la voit discuter avec des syndicats, mais c’est pour mieux faire apparaitre son impuissance. On ne l’écoute pas. Elle est condamnée à voir les ouvriers (et les ouvrières surtout) souffrir de leur condition, tandis qu’elle travaille en silence chez elle, ou qu’elle rend visite à ses amis dans leurs maisons paisibles, un peu à l’écart de cette population.

C’est une approche assez humaine qui permet de faire ressortir une autre misère, beaucoup plus ordinaire, un autre combat qu’a mené Eleanor comme elle le pouvait. Après le décès de son père, elle s’attache au docteur Aveling, définitivement brouillé avec sa femme qui lui refuse le divorce. Eleonor est contre l’institution du mariage, mais elle va se retrouver liée à lui de manière tout aussi solide. C’est par amour qu’elle va supporter ses nombreux écarts de conduite, non par obligation. « De la même façon que les travailleurs sont les victimes de la tyrannie organisée des oisifs, les femmes sont les victimes de la tyrannie organisée des hommes. » Un propos qui affleure par moments mais qui aurait mérité de prendre plus de place.

Miss Marx, loin d’être un film de lutte ou de faire l’inventaire d’une vie, peint par petite touche une vie simple mais hantée par le désir de l’émancipation. Chaotique, mais instructif. Pour rester dans la famille Marx, il y a bien sûr Le Jeune Karl Marx (2017) de Raoul Peck, et pour découvrir du Marxisme contemporain et original, vous pouvez vous attaquer aux documentaires de Slavoj Žižek et Sophie Fiennes comme The Pervert’s Guide to Ideology (2012).

Titre original : Miss Marx

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Durée : 107 mn


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