En 2000, un des premiers films de cette nouvelle manne, American Beauty, triturait les plaies purulentes mais joliment maquillées des banlieues riches de la côte ouest. Suivront, diverses et variés, tant dans les enjeux que les thèmes tracés, Lost in Translation, Sideways ou encore Ghost World, pour les plus marquants et les plus réussis. Si l’Amérique reste bel est bien le sujet et le personnage principal de toutes ces comédies dramatiques, ces productions aux budgets souvent modestes, employant malgré tout quelques acteurs reconnaissables, s’emploient à étudier ce que deviennent les laissés pour compte d’une l’Amérique triomphante. Si pointer du doigt sa profusion ne mène pas bien loin, on peut malgré tout regretter une pauvreté stylistique et visuelle assez générale, laissant le soin à des scénarios maigrelets, mais surtout aux dialoguistes et aux acteurs (souvent plutôt bien dirigés), de tenir les films debout. Ce sont des films à sujets, souvent l’œuvre de jeunes réalisateurs, et rarement un travail plus personnel, dans la tonalité ou visuel, ne permettrait une distinction.
Bien entendu, avec son casting brillant mais pas trop, Welcome to the Rileys s’apparente à ce fillon, plus commercialement identifiable que véritablement thématique. Mélissa Léo, un des trois rôles principaux, fut remarquée pour sa prestation dans Frozen River, inscrit lui aussi dans le genre du cinéma de suspense indépendant (pour le coup, véritable petite production, hors territoire cinématographique balisé). Si Kristen Stewart, qui interprète la jeune héroïne à la dérive, est aujourd’hui une actrice plutôt mainstream, c’est bien évidemment à cause du phénomène Twilight, même s’il s’avère qu’elle a privilégié des directions diverses, d’Into the Wild (du tellement « indé » Sean « engagé » Penn) ou récemment The Runaways, confirmant son besoin de construire une carrière aussi éclectique que ses talents, et ce depuis son apparition aux côtés de Jodie Foster dans Panic Room (quelle jolie filiation !).
Quant à James Gandolfini, il est évident que chacun de ces pas vers le cinéma sera marqué par la réminiscence de Tony Soprano, qu’il sera difficile d’occulter. Dure tâche donc pour le réalisateur que d’écrire un personnage crédible, loin de toute la présence menaçante de l’ancien mafieux, hésitant entre larmes et grosse colère dévastatrice. Il y parvient pourtant, lui faisant jouer une lassitude douloureuse, en tirant parti du son corps, occupant l’espace et les plans de toute son imposante masse. Un intéressant travail sur le son restitue cette respiration lourde, difficile et obsédante, d’un personnage sortant peu à peu de sa torpeur mortifère.
La thématique principale du deuil, ici non accompli par les parents, déjà vu mille fois au cinéma, est elle aussi finement entrevue. Tout est dit d’avance, et lorsque les deux adultes s’incrustent chez la jeune prostituée pour l’aider et la secourir, c’est en devenant consciemment des parents de substitution. Eux-mêmes savent qu’ils ont besoin de s’imaginer à nouveau parents pour guérir, et lorsque le jeu de rôle tourne à la mascarade, chacun l’a senti venir. Jouant leurs rôles dans cette thérapie propre à un joli happy end, les personnages ne semblent pas dupes de ce qui les attend, et nous offrent en compensation le plaisir de partager leurs déambulations plus sombres, plus à côté, moins importantes pour l’intrigue, mais bien plus séduisantes.
En somme, le film n’échappe jamais vraiment à son minimalisme délicat, à son statut de drame américain mineur sur le deuil, mais ce sont encore une fois les acteurs qui lui offrent son petit supplément d’intérêt, James Gandolfini en tête, magnifique dans son rôle d’homme bien !