Dans ce premier long métrage (le réalisateur autrichien Umut Dag s’était fait remarquer en 2011 avec Papa), tout est affaire d’apparences et de faux-semblants : le plus important est de préserver l’honneur et le prestige social de la famille, quitte à recourir à des mensonges et à des supercheries grossières. Fatma décide de faire passer Ayse pour l’épouse de son fils et de dissimuler sa maladie autant que faire se peut. Sourire, toujours sourire. C’est la seule solution qu’elle ait trouvée pour empêcher les voisins de répandre leur venin, eux qui profitent du moindre faux-pas pour vous mettre à terre et vous dévorer tout cru. La majeure partie du film se déroule au sein de l’appartement familial, cocon ou prison dans lequel s’enferment les femmes afin d’échapper aux soupçons. Mais les vautours rôdent. La moindre sortie au supermarché, la moindre connaissance croisée sur le palier devient une menace, capable de percer à jour le secret de Fatma et d’Ayse. Les miroirs sont là pour ramener les personnages à la réalité : dans la salle de bain, le soir venu, les foulards et les masques tombent enfin.

Dommage également qu’Umut Dag ne profite pas de l’émancipation (toute relative) de son héroïne pour interroger le sort des femmes immigrées et l’inévitable collision entre valeurs ancestrales et monde moderne, entre terre natale et terre d’accueil. Il choisit d’écouter battre le coeur d’une famille plutôt que de confronter ces « corps étrangers » – comme sait si bien le faire le cinéaste germano-turc Fatih Akin – à une société qui ne leur ouvre les bras qu’avec méfiance. Ici, les failles existent uniquement au sein d’une même communauté et les rivalités internes se juxtaposent aux conflits intergénérationnels. Une chose est sûre : ce n’est pas demain qu’Ayse pourra batifoler gaiement avec qui bon lui semble.