Niloofar, 35 ans, vit avec sa mère dans un appartement de Téhéran et officie depuis dix ans dans l’atelier de couture qu’elle a elle-même créé. Un jour, suite à une hospitalisation de la mère, le médecin fait un diagnostic irrévocable : l’air pollué de Téhéran est très préjudiciable pour sa santé et elle doit impérativement quitter la capitale iranienne non pour s’installer en banlieue mais dans le Nord du pays, loin, à la campagne, pour respirer un air plus pur, c’est une question de vie ou de mort. Les frères décident en un claquement de doigts que c’est leur soeur qui va accompagner leur mère à la campagne, négligeant sa vie professionnelle, l’investissement qui a été le sien pour mettre sur pied son atelier de couture. Niloofar va-t-elle réussir à faire entendre sa voix ?
Behnam Behzadi (déjà réalisateur de Before the Burial en 2008 et Bending the Rules, 2013) dépeint de manière plutôt juste les rapports familiaux, la tension latente prête à exploser, les non-dits et l’hypocrisie des frères qui disent aimer leur mère mais ne veulent pourtant pas s’en occuper, avec en toile de fond la ville de Téhéran qu’on ne voit finalement pas tellement, réduit à seulement quelques lieux – un restaurant chic, un atelier de couture, un hôpital, l’appartement de la protagoniste et celui de son frère – et des plans furtifs d’autoroute et de paysage au lointain mais dont on entend à plusieurs reprises qu’elle est polluée et menaçante. Surtout Un Vent de liberté est un portrait par petites touches d’un type de femme encore très dévalué en Iran, à savoir une femme de trente ans célibataire et sans enfants qui se bat pour son indépendance. En sourdine est suggérée sa possible romance avec un ancien prétendant recroisé bien des années après, et avec lequel elle écoute, à l’occasion d’une jolie scène un peu trop brève en début de film, une chanson iranienne qui dit : « Oh mon aimée, où étais-tu cette nuit ? Je le sais bien. C’est dans mon coeur que tu étais. »
Pour peindre ce portrait, Behzadi opte pour une mise en scène extrêmement discrète sans aucune afféterie, se plaçant dans une approche très naturaliste voire documentaire. La direction d’acteurs tout en retenue va d’ailleurs dans la même sens, avec une simplicité et une sobriété manifestes dans la manière de dire les répliques et d’exprimer ou de contenir des émotions avec peu d’effets, un regard ou un sourire triste à peine soulignés par un plan un peu rapproché sans être insistant.
On est contents d’avoir des nouvelles de l’Iran, cette terre passionnante mère d’aussi grands cinéastes qu’Abbas Kiarostami, Jafar Panahi ou encore Asghar Farhadi. Cependant, même s’il en a les atours, la langue, et un des acteurs – Ali Mosaffa, impeccable et ici difficilement reconnaissable, qu’on avait pu voir dans Le Passé (2013) – le film n’a pas l’intensité ni la force des scenarii de Farhadi. Les scènes se succèdent aux scènes parfois un peu mollement ou mécaniquement. Surtout, le problème est que le film ne nous émeut pas autant qu’il l’aurait dû avec un sujet aussi fort et Sahar Dolatshahi dans la peau de la protagoniste ne nous convainc pas suffisamment. Nous n’avons pas assez d’empathie pour elle et sommes maintenus à distance. Un vent de liberté s’apparente finalement plutôt à un téléfilm alors même qu’il a été l’année dernière sélectionné au Festival de Cannes dans la section « Un Certain Regard », sûrement davantage pour sa valeur de reportage sur l’Iran contemporain que pour ses qualités cinématographiques intrinsèques.