Un Grand voyage vers la nuit

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Écran plat.

Si Bi Gan désirait faire du « plan séquence long en deuxième partie de film » sa marque de fabrique, il devra sans doute chercher ailleurs. Ailleurs, mais pas dans un autre dispositif, un nouveau procédé cinématographique, une autre mécanique, mais au contraire, dans tout ce qui échappe à la technique, tout ce qui s’obtient au delà de la maîtrise, qui sort du cadre rigide de la technicité. Ce que Kaili Blues, (son premier film) avait su faire jaillir, avec son plan séquence bricolé sur une moto, autorisant les tremblements libres issus de l’avancée frénétique et fragile du véhicule. Le paysage qui se déroulait derrière dans la brume, avec ses actions préparées à l’avance pour la réussite du plan séquence, avait des airs solennels propices à une cérémonie (les villageois se refilaient la suite des évènements par passages flottants). C’était la précieuse harmonie entre le calcul et l’échappement autorisé du hasard. Ici, la surface n’a gardé que le calcul, et l’audace s’est transformée en prouesse technique m’as-tu-vu, où l’on délivre en début de séance des lunettes 3D comme de mini trophées. C’est qu’une tension récalcitrante résulte de deux forces contraires ; celle de l’écran aux images increvables, plastifié, au travers duquel rien ne passe, et la nôtre, qui tente de se fondre en lui, malgré l’empêchement physique de celui-ci à nous faire rentrer dans le film. L’écran se solidifie, se ferme comme derrière une vitrine, et laisse entrevoir le hors champ de la salle obscure.

 

Si l’exercice de style gèle l’écran, ne nous permet pas de décoller, les lunettes 3D auraient pu dresser un pont entre la fiction et notre esprit. Creuser les dimensions et insérer un peu d’architecture sur l’écran plat inflexible, nous embarquer enfin dans un voyage libre, affranchi des effets de mises en scène, des textures sonores et visuelles surabondantes de la première partie. Elles s’ajoutent au processus de séparation qui s’érige une bonne fois pour toute entre le public et l’écran.

Titre original : Di qiu zui hou de ye wan

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Durée : 110 mn


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