Kaili Blues

Article écrit par

Un premier film atmosphérique et d’une poésie plutôt hermétique, qui vaut particulièrement le coup d’oeil pour sa seconde moitié.

La première moitié du film est totalement absconse, d’où émergent quelques rares éléments voués à l’esquisse d’une histoire : un père irresponsable, un enfant disparu, un oncle médecin qui part à sa recherche. Le cinéaste crée un univers par petites touches, au carrefour entre réalisme et étrangeté, baignant dans une confusion qui ne craint pas de laisser son spectateur en travers de la route. Parfois, un élément accroche l’attention et stimule l’imaginaire, telle cette histoire énigmatique (surnaturelle ?) relatée à la radio comme un banal fait divers. Kaili Blues se déploie ainsi, tel un sinueux chemin de montagne fondu dans le brouillard, à mi-chemin entre film rêveur et film rêvé, au rythme lancinant des lieux traversés et des poèmes récités en voix off. Si chaque plan regorge d’idées de cinéma, le tout manque cependant d’unité, et, surtout, de réelles visions poétiques.
  

Survient alors un plan-séquence d’une quarantaine de minutes, amené à faire parler de lui, et qui suscite une fascination absente du reste du film. Est-ce à dire que c’est la performance technique qui fait la différence ? Pas si sûr. Au final, ce n’est pas tant la virtuosité du plan en soi, que son travail de la continuité qui émeut : ce plan unique se vit comme un flux mystérieux, impalpable et secret, où différentes strates temporelles paraissent se télescoper, en coïncidence avec l’exploration rigoureuse d’un lieu au fil des déplacements effectués par les personnages. Des corps qui évoluent dans un espace délimité et rendu intime car sillonné de toutes parts : la proposition est aussi minimaliste que merveilleuse, et Kaili Blues y trouve son acmé en même temps que son nécessaire point d’équilibre. Pour le reste, le premier film de Bi Gan est une expérience intrigante, vécue avec détachement, sans plus d’intérêt que d’indifférence, dans un état aux confins de la léthargie, et dont on ne conserve qu’un souvenir brumeux.

Titre original : Kaili Blues

Réalisateur :

Acteurs : ,

Année :

Genre :

Durée : 110 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Trois films de Pietro Germi sur fond de terre brûlée sicilienne

Trois films de Pietro Germi sur fond de terre brûlée sicilienne

Pietro Germi figure un peu comme un outsider ou, en tous les cas, le mal aimé du cinéma italien de l’âge d’or. Et les occasions de réhabiliter son cinéma enclin à la dénonciation sociale jugé parfois moralisant et édifiant mais toujours captivant et divertissant ne sont pas légion. Le distributeur Tamasa vient de pourvoir à cette injustice en sortant trois films invisibles en versions remasterisées.

Je suis un fugitif

Je suis un fugitif

Dans ce film glauque au pessimisme foncier, quasi ignoré et pourtant précurseur, Alberto Cavalcanti exhibe un monde sans héros; uniquement peuplé de manipulateurs veules et sournois, de malfrats sans foi ni loi, de femmes fatales, de harpies, de mégères ou d’épaves à la dérive. Ce film noir s’inscrit dans la lignée des nombreux films spiv britanniques, un sous-genre qui fit florès dans l’immédiat après-guerre. Redécouverte…

Déserts

Déserts

Au Maroc, lorsque que vous ne remboursez pas vos dettes, vous risquez de voir débarquer deux agents de recouvrements en costume criard, bon marché mais toujours impeccable. Mehdi et Hamid, entre menace et arrangement, arrachent ainsi aux pauvres ce qu’ils ne peuvent cacher, travaillant à rendre le désert encore plus désert, jusqu’à se trouver eux-mêmes coincé par une histoire de vengeance qui n’est pas sans rappeler un scenario de western.