Un été 42

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Un récit initiatique charnel et attachant.

Un été 42 est le versant romantique du cycle estival et initiatique qui court tout au long de la filmographie de Robert Mulligan. Chacun des films montrent des personnages juvéniles arrachés à leur innocence par un contexte (la ségrégation raciale au cœur de Du Silence et des ombres – 1962), par leur part d’ombre (le fascinant et oppressant L’Autre – 1972) ou par leur premiers émois charnels et amoureux que ce soit sous l’angle masculin de Un été 42 ou celui féminin du beau Un été en Louisiane (1991). Le scénario du film est totalement autobiographique pour son auteur Herman Raucher qui y évoque l’été de ses quatorze ans passé sur l’île de Nantucket dans le Massachussetts et où connu son premier amour, avec une femme mûre. Raucher officiant alors à la télévision écrit le scénario durant les années 50 en hommage à son ami Oscar « Oscy » Seltzer (joué par Jerry Houser dans le film) tué durant la Guerre de Corée mais le met de côté en attendant d’avoir une meilleure opportunité de le voir transposé à l’écran. C’est la rencontre et la sensibilité de Robert Mulligan qui le convainc de lui confier son script et le réalisateur en garantissant un budget à l’économie s’assure le soutien de la Warner.

 

 

La force du film tient à son délicat équilibre entre nostalgie, romantisme et trivialité adolescente. Ces trois éléments s’entremêlent en permanence dans une veine tour à tour grave, mélancolique ou rieuse. Par ses cadrages et compositions de plans majestueux de l’île (l’île de Nantucket désormais trop moderne pour être crédible, le tournage eu lieu à Mendocino en Calfornie), Mulligan dépeint un environnement nimbé d’une photo diaphane qui évoque à la fois le souvenir, la rêverie dans la manière dont le héros Hermie (Gary Grimes) observe énamouré la belle Dorothy (Jennifer O’Neill). Ces deux aspects se conjuguent avec un paysage magnifiant Dorothy inaccessible et observée de loin par Hermie et ses amis. Dans ce regard à distance s’exprime tout à la fois l’amour naissant et un désir physique qui reste très abstrait pour les ados titillés par leurs hormones mais dans une totale méconnaissance du processus. Le désir latent inhérent à leur âge passe ainsi par l’humour à travers le feuilletage d’un livre d’éducation sexuelle volé en douce, mais aussi dans les maladroites amours adolescente où un simple effleurement de bras durant une sortie cinéma peut vous mettre dans tous vos états.

 

 

Le désir plus concret mêlé à l’amour prend une tournure nettement plus sensuelle, Mulligan alliant brillamment fascination en capturant la photogénie et l’élégance de Jennifer O’Neill et trivialité à travers les réactions à fleur de peau d’un Hermie complètement troublé. Certains procédés qui pourraient sembler grossiers sont au contraire totalement justifiés, notamment lors de la scène où Hermie aide Dorothy à ranger des objets dans son grenier. La silhouette de Dorothy apparait ainsi avec la grâce de la veine distante initiale (lorsqu’elle traverse le salon pour rejoindre Hermie), plus avec la dimension plus ouvertement charnelle qu’entraîne cette promiscuité (amorcée avec la scène de la plage où Hermie la reluque en maillot de bain) avec la caméra s’attardant de façon subjective à travers le regard d’Hermie sur sa poitrine, ses jambes et ses fesses parfaitement exposées dans ce débardeur et petit short blanc.

 

 

Les inserts de ses courbes surgissant dans l’esprit en rut de l’adolescent sont donc une manifestation frontale et amusante de son trouble. Robert Mulligan observe ainsi la maladresse de l’enfance/adolescence transiter vers les préoccupations plus adultes et masculines, toujours dans ce jeu entre comédie candide (hilarante scène d’achat de préservatifs) et coming of age plus mélancolique – marqué par des réminiscences visuelles, Hermie désormais amoureux n’observant plus le seul corps de Dorothy en cachette mais en train de lire une lettre de son époux au front. Le parcours amoureux parallèle d’Hermie et son copain Osczy symbolise bien cela, la « première fois » gaffeuse d’Osczy (manuel à la main) offrant un contrepoint à celle, sensible, délicate, silencieuse et chargée de gravité d’Hermie avec Dorothy. De même la désillusion d la séparation qui suit restera le souvenir d’un été pour Osczy et celui d’une vie pour Hermie. Notre héros sera devenu un homme à travers cette expérience où il aura été un substitut plutôt que réellement aimé alors que son ami conserve de son innocence malgré ce premier petit chagrin d’amour.

 

 

Le spleen latent grandit ainsi progressivement pour nous mener à cette conclusion où seul le souvenir demeure. Robert Mulligan renoue formellement avec ce regard à distance, d’abord en en restant au point de vue adolescent d’Hermie qui observe de loin la maison de Dorothy, puis à travers la hauteur de regard de l’homme qu’il est devenu avec intervention de la voix-off les vues d’un crépuscule – celui de son enfance. La Warner ne croyant pas au potentiel du film demande à Herman Raucher d’écrire en trois semaines une novélisation qui sortira avant et a la surprise de voir celle-ci devenir un immense best-seller. Le film est alors faussement vendu comme une adaptation (alors qu’il fut pensé et tourné avant le livre) pour devenir un succès immense et certainement l’œuvre plus populaire de Robert Mulligan (bien aidé par l’entêtant score de Michel Legrand) avec Du Silence et des ombres.

Titre original : Summer of '42

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Durée : 103 mn


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