This Is England

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Prix du jury au festival de Paris cinéma, ainsi qu’à Rome, et dans la sélection officielle du festival de Berlin, This is England présente, avant sa sortie, un « cv » qui inspire le respect. Si on ajoute à cela les bons échos de la critique, son engagement politique affiché, il devient très difficile d’essayer […]

Prix du jury au festival de Paris cinéma, ainsi qu’à Rome, et dans la sélection officielle du festival de Berlin, This is England présente, avant sa sortie, un « cv » qui inspire le respect. Si on ajoute à cela les bons échos de la critique, son engagement politique affiché, il devient très difficile d’essayer de mettre en avant ses limites. Pourtant, à nos yeux, il en a, et comme il est important, sinon nécessaire, de s’extraire parfois du consensus général, nous allons les pointer.

Celle qui est à nos yeux la première et fondamentale limite du film se révèle déjà dans son titre, qui trahit d’emblée une intention démonstrative : « This is England ». Le propos qui s’y cache sonne terriblement explicite : « Je vais vous montrer la vérité, ce qui gît sous l’image dorée de ce pays ». Le film de Shane Meadows a le ton triomphal d’un dévoilement tant attendu : voilà la vérité !. « Il était temps » s’écrieront certains ! « On peut finalement voir ceux qui sont « laissés pour compte » par le galopant développement de libéralisme entamé dans les années 80 avec la politique de Mme Tacher ! »
En effet, il y a urgence parfois à aller chercher à l’arrière du décor pour mieux comprendre une situation dans son ensemble. Pourtant, le cinéma est-il le meilleur moyen pour y parvenir ? Là les problèmes commencent.

On sait aujourd’hui la fortune des films à fond sociologique, qui exultent à l’idée d’exhiber à l’écran les réalités les plus sordides qui ne trouvent pas leur place sur les paysages audiovisuels occidentaux, ces derniers étant toujours plus soucieux de lécher leur image de « miroirs aux alouettes ». Au dernier festival de Venise on en a eu une ultérieure preuve, avec les films de Loach et de De Palma. Mais le cinéma peut-il se contenter de représenter une réalité, même si problématique? Il faudrait commencer à penser le contraire. Le cinéma qui s’y essaye, reste souvent confiné au niveau de la représentation brute: « voilà, c’est comme ça, n’est-ce pas horrible ? »

This is England n’évite pas ce travers. Le premier signe est l’envie de reconstruction « fidèle » des lieux et des décors et la frontalité marquée des cadrages (voir l’affiche). L’utilisation du 16 mm, qui fait plus authentique, et donne à l’image à l’apparence plus crue, comme on lit dans le dossier de presse, ne fait que donner le « la » à un film dont la crudité ne fait guère de doute. Au générique, un montage d’images fortes, parfois empruntées à des reportages télé (est-ce un signe ?): Madame Tacher (évidemment), la guerre des Malouines, la grève dans les usines, les immeubles en béton de la province anglaise. Listen what I say rebondit la chanson des Toots ans the Maytals : ça tape à l’œil…mais quoi donc?

Et voilà que l’histoire commence. Et d’ailleurs, comment pourrait-on nous priver d’une histoire, vu qu’une participation émotive suffisante au moins pour prouver tant de dégoût et de compassion nous est requise ? Ici c’est celle de Shaun, un garçon de 12 ans, qui vit dans une ville côtière du nord de l’Angleterre (l’image même du froid et de la désolation). C’est le début des années 80, et sa vie tristement routinière, va être bouleversée par la rencontre avec un groupe de skinheads avec qui il devient ami. Un jeune garçon donc, tendre joujou de notre imaginaire coca-cola, part en compagnie de Woody, Milky, Kez, Gadget et Combo pour ravager des immeubles abandonnés (dans une scène très Orange mécanique mais sans « singing in the rain » et sans personne), boire et fumer des joints dans les soirées, sucer les tétons d’une fille plus âgée, écrire sur les murs des insultes racistes, participer à des meetings politiques du « National Front »… cela ne vous fait aucun effet ? Ne vous inquiétez pas ! Vous aurez droit aussi à une histoire d’amour qui finit mal, à un père décédé, à la musique du piano et du violon dans les scènes les plus intenses et quand la surenchère dramatique arrivera à son sommet l’enfant assistera enfin à l’insupportable !

Avez-vous enfin sorti le mouchoir de votre poche ? Si votre intellect s’efforce encore d’opposer une morose résistance, si votre raison vous avertit sur la nécessité de prendre du recul, si votre tête se détourne, gênée par les images qui vous sont montrées, soit vous êtes vraiment condamnés à être des cœurs insensibles, soit vous aussi, comme nous, commencez à penser que le cinéma peut creuser plus profond, peut toucher aux idées, dépasser le constat, ne pas se contenter de présenter la réalité mais, par elle, toucher au réel… Ce sera peut-être le moment de sortir des armoires un vieux livre poussiéreux, au titre énigmatique : Qu’est ce que le cinéma ?

Titre original : This Is England

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Durée : 100 mn


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