Silent Hill : de la console à l’écran ciné

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Rendre à César ce qui appartient au cinéma. Le but est atteint par Christophe Gans, grand cinéphile devant l´éternel, avec cette adaptation du jeu vidéo Silent Hill. Immersion dans une ville fantôme où il neige des cendres.

Sorti trois ans après Resident Evil, Silent Hill était l’un des premiers jeux vidéo à puiser ouvertement dans l’imaginaire ciné. Atmosphères travaillées, à la lisière du fantastique et de l’horreur : ce travail graphique était à l’époque (et avant Metal Gear Solid) une des premières réussites d’une industrie qui allait par la suite s’inspirer de plus en plus des films. Que le cinéma s’en empare est, avec le recul, un juste retour des choses. Confier cette adaptation à Christophe Gans se révèle, quant à lui, un choix malin.

Depuis l’époque où il officiait en tant que critique à la défunte revue Starfix, le réalisateur n’a plus rien à prouver de sa passion pour le cinéma de genre. Qu’on l’apprécie ou non, force est de constater l’hommage qu’il rendait à la Série B, sous-culture (encore trop) souvent dénigrée, avec les films Crying Freeman et le Pacte des Loups. Action inspirée d’un manga d’une part, film de cape et d’épée remettant au goût du jour un vieux fait-divers français d’autre part. Cinéma d’horreur également, avec son premier film, un segment du collectif Necronomicon, adapté de Lovecraft. Gans est un nerd. Un cinéphage. Insatiable et compulsif bouffeur de pellicule. Un passionné donc. Et un amateur de jeu vidéo : à l’époque de la sortie de Matrix, on a pu lire ici ou là les parallèles qu’il effectuait entre le film et le « gaming ».
 


 
En s’enjoignant pour Silent Hill les services du scénariste de Roger Avary (Pulp Fiction, Les Lois de l’attraction), il colle à une intrigue minimaliste épousant la mécanique du jeu vidéo. Le pitch est limpide : Rose (Radha Mitchell, souvent intense) espère pouvoir guérir les crises de somnambulisme de sa fille adoptive à Silent Hill, une ancienne ville minière désormais abandonnée. A peine arrivée, Sharon (la petite fille bizarre vue dans Tideland de Terry Gilliam) disparaît et Rose se retrouve confrontée aux étranges phénomènes qui s’emparent de la ville. A la manière d’un jeu de plate-forme, chaque zone de la ville offre une clé qui conduira l’héroïne à la solution finale : retrouver sa fille et résoudre le mystère de Silent Hill. Chaque niveau possède ses propres « boss », chérubins de feu, monstres crachant des substances hautement toxiques. Le secret de la ville se dévoile au compte-gouttes, selon que l’on se mette dans la peau de Rose ou dans celle de son mari (Sean Bean). Celui-ci emprunte une voie alternative, Gans nous offrant la possibilité d’incarner tel ou tel personnage, ainsi qu’un joueur ferait son choix au début du jeu.

Sur un niveau de lecture strictement cinématographique, la bonne nouvelle est que Gans a corrigé un des défauts proéminents de ses précédents films : la direction d’acteur. Terminée cette désagréable et persistante sensation de voir des comédiens semblant ne pas évoluer dans le même film (le Pacte des loups). Ici, il abandonne le film choral (moins d’acteurs à gérer) et se concentre sur son personnage principal. Gans a toujours aimé les héroïnes. Dans Silent Hill, il déserte presque totalement les personnages masculins, coincés hors de la ville et donc définitivement exclus de l’histoire, sans mouvement d’action, uniquement dans l’attente du retour des femmes. Qui, seules, pénètrent à l’intérieur de la ville fantôme.

Malgré des tics de mise en scène agaçants (ces innombrables plongées à la grue finissent par énerver) Gans a aussi appris à poser sa caméra. Le choix est judicieux, et permet une immersion dans l’atmosphère brumeuse de la ville. Ville recréée par Carol Spier (fidèle chef déco de Cronenberg) et Patrick Tatopoulos (Dark City). Une ville à la matière onirique qui fait dévier le film de monstre attendu vers une mise en scène de l’étrange, plus patiente que flippante.

Les films fantastiques sont la première source d’inspiration de Silent Hill. Perclus de références, Christophe Gans retourne sur les traces de ses maîtres et leur rend  hommage.  A commencer par John Carpenter, à qui il emprunte ses travellings. Passée la scène d’ouverture, le voyage qui mène à Silent Hill n’est pas sans rappeler celui vers Hobb’s End de L’Antre de la Folie. Ailleurs, une scène de bûcher aux sorcières rappelle le culte Wicker Man. Ici, c’est un flashback où plane l’ombre de la Hammer, une caméra toupie autour d’un personnage empruntée à De Palma, un final (certes anecdotique) en pirouette japonaise. Par moment viscéral façon Dario Argento ou expressionniste influencé par Mario Bava.
 

Malgré son côté clinquant et une intrigue qui ne surprendra personne, il n’y a pas de raison de bouder son plaisir. Silent Hill est une série B assumée et le plaisir évident que Gans a pris à la filmer y est souvent communicatif. Exception qui confirme la règle : son film est probablement la première adaptation potable d’un jeu vidéo. 
 


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