Dublin, un couple et leurs quatre enfants se retrouvent sans logement suite à la vente de ce dernier par son propriétaire. Tandis que son mari travaille, Rosie Davis tente de trouver un hébergement au jour le jour. Paddy Breathnach s’est appuyé sur un fait réel pour dénoncer l’étau économique qui se resserre inexorablement sur une partie de la population urbaine irlandaise. Portée par l’énergie et le volontarisme de cette famille qui lutte contre cette nouvelle forme de déterminisme social, la réalisation ne manque pas de rythme et d’empathie, mais sans cependant dépasser ses louables intentions.
Un jour sans fin
John obligé de multiplier les heures dans le restaurant où il est employé, Rosie mène une vie classique de mère de famille, éduquer et nourrir ses enfants, à un petit détail prêt : le seul toit qui peut leur servir de protection est celui de leur voiture. Très souvent suivie et serrée de prêt par une caméra à hauteur d’épaule, Rosie ne voit pas forcément son horizon s’élargir lorsqu’elle s’émancipe provisoirement de son refuge. Enfermée aussi bien dehors que dedans, son seul espoir réside dans les visites des logements théoriquement accessibles sur un marché immobilier de plus en plus restreint.
Entre les innombrables coups de téléphone pour quémander une chambre d’hôtel et les sollicitations des enfants, nous sommes emportés, par un montage nerveux, dans un tourbillon d’actions devenues « normales » dans une situation normalement inacceptable à notre époque. Cette problématique efficacement posée trouve assez rapidement ses limites. Au tiers du film, tous les enjeux sont exposés, et la répétition de problèmes sensiblement de même nature n’apporte pas de réel intérêt supplémentaire. Malgré son souci de concision, le récit, étalé sur seulement deux jours et concentré sur moins d’une heure trente, prend une orientation trop démonstrative, laissant peu de place pour développer notre propre point de vue. Tout semblant déjà vue ou rapidement prévisible.
Penser le social
Aux exclus du marché du travail se sont rajoutés aujourd’hui les travailleurs pauvres dans le nombre grandissant des victimes de la croissance économique. Notre quotidien fourmille de situations dramatiques reflétant les dérèglements de notre système économique. Les reportages télés informent, pour ceux font humblement leur travail, ou en font lamentablement leurs choux gras, pour les plus racoleurs d’entre eux. Le cinéma peut et doit évidemment développer un regard plus élaboré. Le constat empathique Ken Loachien a fait son temps. Paddy Breathnach est à l’étroit dans le costume élimé de son illustre référence. En se concentrant sur les jolis visages de ses protagonistes et en s’appuyant sur une photographie plutôt chaleureuse, le réalisateur évite tout misérabilisme. Mais cela ne suffit pas. Le portrait d’une pauvreté digne, la gêne de l’entourage, l’absence ou la distance des administrations ; ces effets ont aujourd’hui une portée limitée. « Le cinéma social » ne doit – il pas nous faire réagir, à défaut d’agir ? Au risque d’être clivant, à l’instar d’En Guerre, sortie l’an dernier, qui n’a pas fait malheureusement l’unanimité, y compris au sein de nos rédacteurs. Ce n’est pas le cas de notre Rosie Davis ,un peu trop tendre pour réussir à s’imposer.