Retour sur le Festival Lumière 2011 : « Donne-toi. Donne-toi »

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Après avoir traversé Lyon en large et en travers pendant une semaine, retour sur la troisième édition du Festival Lumière.

Donne-toi. Donne-toi. Avant chacune des séances du Festival Lumière 2011, la même voix rauque extraite de Quand j’étais chanteur (2006) vient nous encourager à nous livrer entièrement. Gerard Depardieu s’adresse à Cécile de France, mais aussi à nous tous, assis dans notre fauteuil dans une salle comble qui a laissé octobre dehors. Bien qu’arrivé quinze minutes en avance, il ne reste qu’une seule place libre dans la salle, là, au premier rang ; vingt minutes de battement entre deux séances, mais tout Lyon à traverser grippé pour changer de cinéma. J’éternue, je souris, les gens sont sympas et Gérard m’encourage quand je m’assieds : Donne-toi. Donne-toi.
 

Remise du prix Lumière // Photo: O. Chassignole
Pour sa troisième édition, le festival a déjà ses petites habitudes. La halle Tony Garnier accueille les "grandes soirées" (ouverture, clôture, "Nuit de la science fiction", La guerre des boutons d’Yves Robert, 1961), l’Amphithéâtre du Centre de Congrès la remise du Prix Lumière (Gérard Depardieu cette année, après Clint Eastwood et Milos Forman) et les près de 200 séances restantes sont disséminées dans tout Lyon et ses environs. Le public a encore une fois été au rendez-vous des grands événements annoncés (5000 personnes devant The Artist de Michel Hazanavicius pour l’ouverture, autant pour la clôture devant Cyrano de Bergerac (1990), 4000 spectateurs devant La guerre des boutons et plus de 3000 devant "La nuit de la science fiction"), mais également pour chacune des séances, quel que soit le film projeté. Dès le premier jour, difficile ainsi de trouver une place libre pour la projection de L’étrange Incident (1943) de William A. Wellman et c’est serrés les uns contre les autres qu’on lèvera tous les yeux vers Henry Fonda et ce western claustrophobe où Anthony Quinn innocent finira pendu. Tout comme Jean-Paul Rappeneau, très ému lors de la cérémonie de clôture face aux 5000 personnes qui s’apprêtaient à voir son Cyrano, Gérard Depardieu à ses côtés aura de très jolis mots pour nous : Vous êtes très beaux ensemble dans cette salle.

Il flotte en effet un "je ne sais quoi" dans les salles du festival avant les séances. Tous réunis pour la même chose, dans une bonne humeur presque palpable. Chacun est venu se construire des souvenirs et les rencontres se font, naturellement. Devant l’euphorique Fiancée du pirate de Nelly Kaplan (1969) comme devant La vie de Château de Jean-Paul Rappeneau (1965) l’année dernière ou Le sauvage (1975) cette année, la salle rit beaucoup, parle un peu et vit physiquement le film comme un seul spectateur. L’histoire d’une jeune fille marginale (Bernadette Lafont) qui dès qu’elle perd sa mère devient la prostituée du coin et met à ses pieds pharmacien, comte, maire, fermiers et ne trouve ses moments de grâce que lorsque le cinéma ambulant pointe son nez dans le village : une projection de La comtesse aux pieds nus (1954), une affiche du Cyclone de la Jamaïque (1965) et même une scène d’amour entre la jeune fille et Louis Malle caché derrière les frusques d’un travailleur espagnol. Le film de Nelly Kaplan est une déclaration d’amour au cinéma de plus dans un festival dont le cœur ne cesse de gonfler. Durant la première heure de Préparez vos mouchoirs (1978), le dernier dimanche, jamais une salle ne fut si proche de l’explosion. Une vraie folie prenait forme face à Depardieu et Dewaere et quand Gérard se mettait à gueuler sur Carole Laure qui ne mangeait pas sa choucroute mais la picorait, la salle entière semblait être sur le point de lui crier : Mais allez ! Donne-toi ! Donne-toi !
 

La nuit de la Science-Fiction // Photo: P. Guichard – JL Mège
Benicio Del Toro présentant L’Ile nue de Kaneto Shindô (1960), Albert Dupontel, Gustave Kervern, Benoît Delépine et Gérard Depardieu Sous le soleil de Satan (1987), Stephen Frears déclarant son amour à Casque d’or (1951) et à Simone Signoret : encore une fois, nombreuses sont les œuvres projetées cette semaine qui resteront rattachées à l’un de ces faiseurs de films cinéphiles. Vu le grand nombre de longs métrages projetés, des rétrospectives de William A. Wellman et de Jacques Becker aux films de Yakuzas, le festival est aussi une question de choix et nombreuses sont les séances qui nous échappent. Quand Michel Ciment et le réalisateur Jerry Schatzberg lui-même viennent présenter Portrait d’une enfant déchue (1970), on a alors l’impression d’être au bon endroit, d’avoir fait le bon choix et les sourires autour acquiescent. Plus tard, quand le dernier film se termine et qu’il reste de toutes ces séances beaucoup trop de souvenirs, il faut pourtant retrouver un peu de réel. Manque de bol, il pleut, il fait froid et Lyon n’a jamais été aussi grise. Mais en attendant l’année prochaine, si c’est vraiment trop dur, on sait tous qu’on peut toujours aller se faire une toile. 
 


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