Rendez-vous à Brick Lane (Brick Lane)

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Portrait pudique et touchant d’une jeune femme tiraillée entre souvenirs oniriques et réalité.

Nazneen (Tannishtha Chatterjee) n’est encore qu’une adolescente lorsqu’elle quitte le Bangladesh et sa famille pour rejoindre l’homme qui lui a été choisi. Elle devient épouse et mère dans le silence et l’abnégation. Son destin aurait pu être semblable à celui de sa mère, dicté par la tradition. Mais Nazneen habite Londres, dans le quartier de Brick Lane. Confrontée à la modernité, au racisme et à l’isolement, la jeune femme survit grâce à la douceur de ses souvenirs d’enfance. Du moins jusqu’à ce que sa cage de béton se fissure. Naznnen est une femme en devenir, Rendez-vous à Brick Lane, le récit de sa métamorphose.

L’opposition est saisissante. Les paysages verdoyants du Bangladesh suggèrent liberté et naïveté, tandis que les murs grisâtres de la cité de Brick Lane marquent la rupture. Un passé d’insouciance cohabite avec une existence quotidienne asphyxiante. L’esprit de Nazneen voyage par flashes back répétés d’un monde à l’autre et d’une époque à l’autre, injectant une dose d’espoir au présent. La vie de Nazneen à Brick Lane se résume aux soucis domestiques qu’elle assume, dans l’ombre de son appartement. Sarah Gavron filme son héroïne derrière une fenêtre, dans l’embrasure d’une porte ou entre deux meubles, comme pour insister sur son enfermement, sa captivité.

Mais Nazneen écrit, et c’est là son échappatoire. Elle écrit à sa sœur, le plus régulièrement possible, dans le but de nourrir le seul lien qui la rattache à son enfance, à sa famille et à sa liberté perdue. Ses lettres, lues en voix-off, dévoilent l’âme torturée qui s’anime derrière son visage impénétrable. Nazneen n’a qu’un rêve : rentrer au Bangladesh, retrouver les siens et celle qu’elle était. Or sa rencontre avec Karim (Christopher Simpson), le jeune homme qui lui livre les jeans qu’elle coud, bouleverse ses plans. La passion qui naît entre les deux êtres renverse sa vision des choses. Nazneen sort de sa carapace. Le fossé si longtemps creusé entre elle et son époux se resserre. Elle acquiert à son tour un emploi, prend du poids dans les décisions et par là même le contrôle de sa vie. Paradoxalement, son idylle lui permet d’apprécier sa place auprès de son époux et de la société anglaise.

Rendez-vous à Brick Lane offre une approche originale de la féminité. La rencontre des cultures bangladaise et anglaise transforme le mariage de Nazneen et Chanu (Satish Kaushik), ainsi que le rapport de la jeune femme à l’amour. Dans une pudeur infinie, la caméra accompagne l’éclosion de sa maturité. L’écran s’ouvre sur un printemps rosé et disparaît dans la blancheur de l’hiver. Entre temps, l’histoire de Nazneen et Karim, gorgée de tons orangés, traduit l’apogée d’un état, celui de la découverte. Le film de Sarah Gavron est un parcours philosophique dans lequel les personnages évoluent dans la concession, l’observation et l’altérité. Il traduit le passage d’une forme d’amour à une autre. Celui de l’enfance pour celui d’une vie d’adulte. Celui d’un pays natal pour celui d’un pays d’accueil. D’une passion soudaine à un amour qui s’apprend.

La jeune réalisatrice n’a pas choisi d’adapter un roman simplement emprunt d’amour et d’exil. Avec habileté, elle signe une œuvre complexe où le contexte social (l’Angleterre de Margaret Tatcher des années 80) tient une place prépondérante. Les formes d’intégration des immigrés sont interrogées régulièrement. Chanu, l’époux honnête et nonchalant, se consacre à son emploi sans jamais obtenir de reconnaissance. Il connaît la littérature anglaise mieux que personne et s’échine à la transmettre à ses filles. Pourtant il ne parvient pas à retourner au Bangladesh en arborant la réussite qu’il espérait. Rendez-vous à Brick Lane s’appréhende aussi comme une photographie sociale d’un quartier de Londres et des communautés diasporiques qui l’habitent.

Optimiste mais réaliste, le premier long-métrage de Sarah Gavron est une agréable surprise malgré quelques longueurs et une image souvent saturée à l’excès.

Titre original : Brick Lane

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Durée : 97 mn


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