Rencontre avec Christophe Cousin

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« J’ai voulu faire le portrait d’un adolescent qui va à rebours de ce que l’on nous montre habituellement »

Christophe Cousin réalise son premier long métrage « Deux temps, Trois mouvements » avec brio, transposant l’histoire d’un adolescent confronté à la mort, à la vie, à l’amour et un monde qu’il découvre à coup de téléphone portable et de musique.

Pour ce film sur Victor (Zacharie Chasseriaud), sa mère Adèle (Aure Atika) et Samuel (Antoine l’Ecuyer) sur le collège et les moments forts de l’adolescence, le réalisateur Christophe Cousin peint un cinéma empli de mélancolie, sa caméra à l’épaule suivant les moments forts de la vie de ce jeune Français à peine arrivé au Québec. C’est énigmatique, intime et original : des ingrédients qui nous ont poussés à poser quelques questions au metteur en scène.

Comment est né Deux temps, Trois Mouvements ?

Il est difficile, même rétrospectivement, de dire : « Ce jour-là, j’ai décidé de raconter cette histoire. » Je dirais plutôt que le récit que l’on met en images est celui qu’on n’a pas abandonné. Celui qui a tenu le coup, d’une certaine manière. Dans le temps. Celui qui a suscité de l’intérêt et dont on ne s’est pas lassé.

Quelles ont été vos inspirations en tant que réalisateur ?

A l’origine de ce film, il y a deux images, la « chute » de deux enfants : celle de Mouchette à la fin du film de Bresson et celle du garçon à la fin d’Allemagne, année zéro, de Roberto Rossellini. Mais ce qui m’intéressait, avec Deux temps trois mouvements, c’était d’ouvrir le film avec cette chute et d’aller vers les questionnements des vivants.

Quelles sont les intentions du film ? Que souhaitez-vous montrer, dénoncer, provoquer ?

J’ai voulu faire le portrait d’un adolescent qui va à rebours de ce que l’on nous montre habituellement des ados, sur internet, à la télévision, dans le flux quotidien de ces images qui prennent des raccourcis. Le cinéma peut être le territoire où l’on prend le temps de capter des gestes, des silences. De s’interroger sur la permanence de l’adolescence, sans le prisme de l’âge adulte qui tend, génération après génération, à réduire les ados à leurs modes de vie. L’intention, c’était d’aller vers un film sans ornement, qui ne prenne pas la pose, et qui se charge peu à peu d’épaisseur et de complexité. Mon idée fixe, c’était Victor. Sa façon d’apparaître à l’image, d’être cadré, je voulais que ça ne renvoie à aucun dessein caché, à aucune dissimulation. Il est là, entièrement là. Le film montre, simplement, comment il va aux choses et comment les choses viennent à lui. Ce qui était donc très important, c’était d’être « techniquement » léger : à l’épaule, mobile, souple. De pouvoir changer le plan de travail, de pouvoir réécrire des scènes ou d’en inventer d’autres au jour le jour, pendant le tournage – pour rester au service de cette intention initiale.

 


© A3 Distribution


Comment s’est déroulé le casting ?

Le mot qui me vient est : naturellement. C’est-à-dire que ce sont les rencontres avec Zacharie et Aure, en dehors du contexte d’un casting organisé, qui ont provoqué le désir de travailler ensemble. Je les avais aimés dans des films et ils aimaient le scénario que je leur proposais. A partir de là, les choses se font naturellement…

Que pensez-vous de l’adolescence, de cette période si fragile et si importante dans la vie de chacun?

Il y a tellement d’adolescents différents, c’est difficile de tous les regrouper… Peut-être que leur point commun, plus que d’être sur la brèche, est d’être dans une acuité au présent bien particulière. Je voulais que Victor s’invente en permanence, et le montrer lui, face à ce qui l’entoure – qui souvent reste hors-champ. C’est sa réaction qui m’intéressait.

Quelles ont été les difficultés de ce tournage ?

Je n’ai pas le souvenir de difficultés particulières, en dehors de celles qui sont inhérentes à un tournage et qu’on prend plaisir à contourner, détourner ou utiliser au profit du film. Par rapport aux autres étapes de la réalisation d’un film (écriture, montage, etc.) le tournage est le moment le plus intense : on agit en permanence, pour le meilleur et pour le pire. Tout va très vite, c’est intense avec l’équipe et les comédiens. Et c’est déjà fini. Voilà, c’est cela la vraie difficulté : savoir, à la fin du tournage, qu’il faudra attendre avant de retourner un film et retrouver cette intensité !

 

Quelle scène regardez-vous aujourd’hui avec le plus de plaisir ?

J’aime bien la toute dernière scène du film, quand on comprend que Victor a enfin trouvé sa place après tant de tours et de détours.

Le cinéma québécois ou tourné au Québec est de plus en plus présent sur le marché international. Avez-vous l’impression de faire partie d’une nouvelle vague ?
Le terme « nouvelle vague » était assez impropre, je crois, à l’époque de son invention : si on y regarde de près, il n’y avait pas UNE vague, mais DES vagues. Le terme est resté et on l’utilise régulièrement pour tel ou tel pays mais, le plus souvent, il est toujours aussi impropre.

 


© A3 Distribution

Quels sont vos projets à venir après la sortie de ce film ?

Je travaille en tant que scénariste sur plusieurs projets très différents les uns des autres : il y a une comédie, un film sur la Première Guerre Mondiale, un film qui traite d’Alzheimer, etc. J’écris aussi un film que j’aimerais réaliser, sur l’ETA – l’organisation armée basque indépendantiste.

Quels sont vos rêves de cinéaste ?

Il y en a beaucoup… mais les seuls qui m’intéressent sont ceux que j’arriverai à transformer en souvenirs.

Propos recueillis par courriel, le 26 janvier 2015. 


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