Des promesses sacrifiées au profit d’une unité artificielle
Jusqu’ici voix discrète mais singulière au sein du paysage cinématographique français, Hélène Angel souscrit à un étonnant programme avec Primaire, consistant à se couler dans une certaine consensualité – formelle déjà – mais aussi narrative : les différents reliefs créés par le film étant destinés à épouser dans la dernière ligne droite une même volonté d’aplanissement. On comprend bien que la voie choisie par la cinéaste soit, en accord avec son héroïne, celle de l’idéalisme – il suffit, pour s’en convaincre, de voir la séquence de cours où, suite au discours vibrant (et un peu trop écrit) de Florence, chaque élève mue soudainement en exemple d’assiduité et de réussite. Cependant, en ne posant préalablement tout un faisceau de problématiques que pour mieux les résoudre, sans rien laisser en suspens, le film ploie sous la candeur de ses intentions et, ce faisant, néglige toute aspérité potentielle : quid du sort de Sacha, le « vilain petit canard » de l’école, dont l’issue paraît bien trop vite expédiée au profit d’une harmonie rétablie au sein de la classe ?
Auparavant, Primaire aura pourtant déployé, par petites touches sobres et subtiles, de belles idées, notamment dans la peinture des caractères. Au-delà des énergies, des aspirations et des naïvetés enfantines, Hélène Angel n’hésite pas à filmer les cruautés propres à cet âge de la vie. Et le film d’esquisser alors d’intrigantes relations, cristallisées autour de la figure de Sacha : lui, l’exclu, qui s’attache à Florence (comme à une mère de substitution, bien sûr, mais aussi presque comme à un premier amour), tout en côtoyant, entre jalousie et complicité, le fils de celle-ci. Son drame est de désirer une place dans le monde qui n’est pas la sienne, et la violente ironie de la chose, que cette place déjà prise ne soit qu’une contrainte pour celui qui l’occupe (le fils de Florence n’aspire qu’à vivre avec son père à l’autre bout du monde).