Le film de Marie Vermillard s’apparente à la nouvelle (en littérature) ou encore à la miniature (en peinture). Pourtant, les fragments ici rassemblés sur le thème d’un moment révélateur ressortent d’un univers au style encore trop peu affirmé.
Petites Révélations se présente comme une expérience dans laquelle se succèdent plusieurs séquences sans lien apparent, où personnages et situations ne sont jamais les mêmes. Néanmoins, un dénominateur commun se dessine progressivement et précise le dessein du film: il s’agit de saisir le moment, fugace et pourtant important, où une révélation inattendue a lieu et où les points de vue qui semblaient prévaloir changent.
Le film propose dix-neuf de ces scènes qui puisent leur trame dans le quotidien. Chacune dure quelques minutes à peine et on y croise, pêle-mêle, une petite fille qui observe fixement une femme qui est derrière sa fenêtre ; une femme qui reconnaît dans la rue un ancien amoureux qui, lui, ne la voit pas ; un homme qui accueille, probablement pour la première fois, une femme de ménage chez lui ; une femme en voiture immobilisée quelques secondes par un jeune homme qui lui demande de l’écraser.
Le contexte de ces situations est donc très varié : les décors changent, les instantanés reposent parfois sur des paroles prononcées, d’autres sur des émotions tues. Pour autant, ce qui est en jeu tourne toujours autour d’un échange : échange d’une impression (surprise, gêne, peur, tristesse) qui se fait souvent à l’insu des personnages et devient alors une forme de révélation, un dévoilement d’un état à prori inenvisageable voire inenvisagé.
Le film a en fait plus à voir avec le documentaire ; il ne cherche pas à raconter une histoire, mais à capter quelque chose de significatif. On pense souvent à Agnès Varda et son style unique, où les images suggèrent au-delà de ce qu’elles montrent, entre documentaire et mise en scène plein d’humour de la cinéaste.
Malheureusement, ici, l’intention est mise à mal par la forme : l’enchaînement des séquences manque singulièrement de relief et de cohésion. On sait combien le dispositif est en lui-même difficile et requiert un savoir-faire très particulier, pointilliste, qui mêle sens du rythme avec sens du détail. Faute de cela, le regard que pose Marie Vermillard sur ces révélations est trop neutre et décousu et a pour effet de laisser le spectateur en dehors du film.
La réalisatrice – ancienne scripte et assistante sur plusieurs films de Cédric Klapisch entre autres – reste ainsi dans l’anecdotique et peine à nous faire entrer dans le coeur intime de ces moments de bascule. Elle n’a su trouver la bonne distance pour filmer, prise entre son désir de varier les points de vue et celui de rester au plus près des personnages, dont on n’apprend par ailleurs rien. De fait, ces révélations ne vibrent pas en nous ; nous ne parvenons pas à en saisir l’importance non seulement individuelle mais tout autant collective, quasi existentielle – dès lors ce naturalisme est seulement description, car enfermé dans son présupposé, manquant d’incarnation et de profondeur.
En somme, le film ne fait qu’enregistrer des moments sans s’attacher à ce qui est déterminant dans l’exercice de l’observation, à savoir son aspect subjectif. L’oeil subjectif, relayé et canalisé par la caméra, donne certes à voir des petits riens, mais il est seul capable d’en souligner les ressorts et les effets. La capacité à faire partager de tels moments de vérité constitue toute la force du cinéma, force qui manque cruellement à ces Petites révélations.