Nouvelles sorties Wild Side Vintage Classics

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Pour cette nouvelle fournée de ses Vintage Classic, Wild Side nous offre un éventail singulier et varié, de la production studio oubliée à la rareté fort originale.

On commence par Captain Kidd (1945) de Rowland V. Lee. Une petite série B d’aventure maritime un peu fauchée mais relevée par son remarquable casting. Charles Laughton domine l’ensemble avec ce méchant haut en couleur, un pirate sournois en quête d’ascension sociale qui ne reculera devant aucune duperie pour parvenir à ses fins. On remarquera un tout jeune Randolph Scott pas encore icône de western mais déjà fort fringant en jeune premier charismatique (lui valant un péjoratif qualificatif de "Gary Cooper du pauvre"). Malgré le manque de moyen évident (les scènes en mer réduites au strict nécéssaire et beaucoup trop de scènes d’intérieur pour de l’aventure dépaysante…), Rowland V. Lee artisan rompu aux budgets modestes (dont l’excellent La Tour de Londres) délivre un spectacle plaisant.
 
Song of Freedom (1936) de J. Elder Willis est certainement le plus intéressant des films de cette fournée. On nous narre ici le destin d’un noir fils d’esclave dont le talent pour le chant va faire passer des docks de Londres aux scènes des plus grands opéras du monde et devenir une star. Mais lui n’a qu’un souhait, retourner en Afrique et percer le secret de ses origines liées à un médaillon qu’il garde depuis l’enfance. Cette production Hammer (!) permet de découvrir des acteurs noirs aux rôles moins caricaturaux que ceux vus dans le cinéma hollywoodien et notamment l’imposant Paul Robeson et son timbre de stentor. Vraie star de la chanson au parcours étonnant (fils d’esclave, diplômé de droit, partisan communiste…), il impose ici une personnalité marquante qui aurait mérité une filmographie plus intéressante (Song of Freedom étant son seul fait marquant avec Les Mines du Roi Salomon). Les thèmes sont passionnants et toujours très actuels avec ce sentiment d’inachevé de l’exilé entre une terre d’accueil de toujours mais qui n’est pas la sienne et celle d’origine, fantasme lointain et idéalisé. Un beau parcours initiatique chaleureux, poétique (belle mise en scène de Willis encore imprégné du muet mais aussi de l’influence de Flaherty pour l’imagerie de l’Afrique mi-documentaire mi-cinématographique) et grinçante dans sa description de la domination des tyrans locaux par la superstition.
 
Marée Nocturne de Curtis Harrington (1961) est aussi une belle curiosité. On y trouve une atmosphère digne des productions Val Newton à la RKO, surtout La Féline, mais cette fois en abordant le mythe de la sirène. Dennis Hopper (à contre-emploi, timide et fragile) est un jeune marin esseulé qui va tomber amoureux de la mystérieuse Mora. Leur douce romance se voit obscurcie par le passé trouble de cette dernière dont tous les précédents petits amis sont mystérieusement décédés. Ambiance étrange et tout en ambiguïté (Mora sirène ou détraquée mentale ?) où un voile surnaturel drape ce décor de station balnéaire et on ne sera pas étonné de voir Roger Corman à la production qui amène avec lui son chef opérateur Floyd Crosby. Lucy Lawson fait preuve d’une présence fascinante.
 
Pluie de Lewis Milestone (1932) offrait l’occasion à la grande Joan Crawford de casser son image avec le rôle de la prostituée Sadie Thompson. Adapté d’une nouvelle de Somerset Maugham (qui connue une version muette et connaîtra une autre version avec Rita Hayworth), l’histoire dépeint l’affrontement entre Crawford et le missionnaire incarné par Walter Hudson bien décidé à la convertir. Les repères sont bouleversés entre la quête obsessionnelle du prédicateur et la fragilité dissimulée par la fille perdue Sadie (Crawford passant d’un maquillage outrancier clope au bec à une allure de plus en plus naturelle et innocente) par la grâce du duo Crawford/Huston et de la mise en scène inspirée du grand Lewis Milestone. Echec à sa sortie (ce qui explique son oubli hormis chez les aficionados de Crawford), le film est une grande réussite et parmi les plus grandes performances de Joan Crawford, à ranger aux côtés des Mildred Pierce et autres Johnny Guitar.

Barbe Bleue (1946) d’Edgar G. Ulmer signe, dans cette version restaurée en bon état, un thriller à mi-chemin entre séduction et art. De jeunes femmes sont retrouvées mortes dans la Seine, tuées par un mystérieux serial killer parisien… Adaptation osée du conte de Charles Perrault, ce film met définitivement sur un piédestal John Carradine (le père de David), le regard noir et la mine définitivement sombre… Ambiance gothique, naïveté féminine, tableaux peints par obsession, bref, un petit bijou agréable à regarder à notre époque. Dans un même registre de cinéma d’horreur, Le Masque (1944) de Crane Wilbur met à l’honneur un acteur, Vincent Price. Le cadre, une immense maison, où une écrivaine de romans policiers décide de s’installer pour trouver l’inspiration… A ses côtés, « The Bat » laisse sur son chemin un certain nombre de cadavres. Beaucoup moins convaincant que Barbe Bleue, le film manque de suspense et de crédibilité. Mais il en découle un effet vintage réussi avec une grande part d’humour et de dérision.


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