Noureev

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Un biopic au style élégamment suranné non dénué d’une forme de sincérité.

Début 1961, Rudolph Noureev, dont la technique reste encore perfectible, fait partie du ballet Mariinsky qui entame sa tournée européenne à Paris. Ce séjour renforce ses idéaux : son art ne pourra s’exprimer pleinement que lorsqu’il sera totalement libre de ses mouvements. Le récit retrace les semaines qui ont vu l’envol du plus célèbre danseur classique du vingtième siècle. Ode artistique, hommage aux défenseurs de la liberté, Raph Fiennes signe ici une œuvre pas exempt de scories mais dont la douceur et la nostalgie rééquilibrent l’ensemble.

 

 

Sur la pointe des pieds

A l’opposé de nombreux projets biographiques dont l’action se situe dans un contexte haut en couleurs et par trop idéalisée comme le Paris des années soixante, Ralph Fiennes ne succombe pas à la tentation, pourtant si facile avec le numérique, de rendre les étoiles plus brillantes qu’elles ne le sont. Loin d’être un détail, le choix d’une photographie au ton légèrement délavé, soulignée par une lumière qui se veut discrète, témoigne de ce parti pris. La sobriété et l’empathie du personnage que s’est attribué Ralph Fiennes témoigne de ce même désir de rester à hauteur d’homme. Il se dégage alors une forme de banalité, ramenant ces moments, pourtant exceptionnels dans l’histoire de la danse classique à des proportions simplement humaines : le caractère déjà bien trempé de Noureev et l’humanisme de ses amis français qui lui ont permis d’obtenir l’asile politique.

L’académisme de la mise en scène, que d’aucuns souligneront à juste titre, laisse la place à l’expression des tourments et dilemmes des protagonistes. Les visites au musée, les soirées au cabaret et les nombreux échanges existentiels, sont bien plus que de simples pauses dans la course à la liberté dans laquelle s’est engagée Noureev. Le film se veut également une réflexion sur le statut d’artiste et sur la radicalité qui en découle.

 

 

Figures imposées

A l’ère de Wikipédia qui comblera aisément le désir de savoir du spectateur à sa sortie de la salle, les biopics devraient savoir s’affranchir de la sacro-sainte recherche de sens dans le passé du personnage. Le scénario aurait pu ainsi nous épargner un certain nombre de flashback dans l’enfance de Noureev ainsi que les scènes de rebellions contre l’autorité sous toutes ses formes. Fort heureusement, le didactisme n’est pas toujours de mise. La caméra de Ralph Fiennes sait prendre son temps et la distance nécessaire pour saisir le magnétisme et la force d’un homme complexe. Incarné avec fougue et grâce par Oleg Ivenko, danseur ukrainien dont c’est ici le premier rôle à l’écran.

Par ailleurs, Fiennes se montre assez habile dans les scènes de tension policière. Son refus du spectaculaire profite aux doutes des protagonistes, la peur est saisie dans toute sa progression. Les yeux de Moscou qui ne lâchent jamais leur progéniture, les alliés dont certains sont prêts à trahir leur pays pour que le héros passe à l’Ouest, l’atmosphère n’est pas sans rappeler l’univers de John Le Carré. Ce beau danseur qui venait du froid ne laissera sans doute pas tout le monde insensible.

Titre original : The White Crow

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Durée : 127 mn


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