Mushishi

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Au début du siècle dernier, le Japon décide de s´ouvrir au monde. Les Mushi, – les plus petits composants spirituels de l´univers peuplant tout être vivant ou mort – se sentent menacés et lancent une série de sorts sur les hommes comme sur la nature. Certains humains, qui ont le pouvoir de détecter et de […]

Au début du siècle dernier, le Japon décide de s´ouvrir au monde. Les Mushi, – les plus petits composants spirituels de l´univers peuplant tout être vivant ou mort – se sentent menacés et lancent une série de sorts sur les hommes comme sur la nature. Certains humains, qui ont le pouvoir de détecter et de communiquer avec les Mushi, essaient de calmer la colère des entités spirituelles. Ginko est l´un de ceux là, qu´on appelle Mushi-shi. Il parcourt le pays pour réparer les méfaits des Mushi et soigner les séquelles sur les humains.

Tout nouveau film de Katsuhiro Otomo est attendu avec impatience, chaque spectateur du monde entier se remémorant la claque sensitive lors de la vision d´Akira, oeuvre post apocalyptique par excellence. Après Steamboy, très beau film d´animation se situant au 19èmes siècles sur l´effervescence du renouveau créatif et intellectuel dans le Londres Victorien, Otomo passe pour la deuxième fois de sa carrière au film-live en adaptant l´oeuvre d´un mangaka célèbre, Yuki Urushibara. Adaptation d´autant plus délicate que le manga d´origine est une succession de micro récits, et qui a déjà été adapté sous la forme d´une excellente série animée.

Si vous n´aimez pas les plans séquences en apesanteur et les longues digressions sur le rapport des hommes avec la nature, ce film risque de vous ennuyer. Mais si tel n´est pas le cas, plongez dans cet hypnotique promenade au pays des Mushi, où Otomo nous livre un regard profondément animiste sur le monde. Regard obligeant l´homme à comprendre et à se connecter avec ce qui l´entoure.

Il est aisé de voir en Mushishi un trip spirituel surfant sur la vague actuelle du zen et des pratiques religieuses. Le monde est saturé de technologie, l´homme se connecte à des interfaces plus petites les unes que les autres, et il connaît mieux les marques des derniers produits high-tech que le nom de différents arbres. On s´étonne par la suite qu´il puisse y avoir une certaine déconnection d´avec le réel. A l´inverse dans Mushishi la connexion est totale. Et le voyage magnifique.

Vision quasi magique du monde, Otomo construit un univers hors du temps, où les splendides vallées encaissées où se situe l´action nous entraînent loin de toute civilisation. L´on croisera des entités jugulant le rapport de l´homme à lui-même, permettant à la nature de s´accomplir dans sa toute puissance. En attribuant une âme aux phénomènes et aux objets naturels, la philosophie animiste s´écarte des dogmes scientifiques pour se consacrer à l´étude de la vie en ce qu´elle a de plus naturelle. Les joies, les peurs, la mort, le passé, la filiation, l´au-delà, des thèmes auxquels répondent les Mushi en se manifestant à travers la nature et l´homme.

Ne sacrifiant à aucun instant la beauté de ses images pour une quelconque facilité idéologique, Otomo parvient à un équilibre rare entre une vision holistique du monde et le chemin individuel de chacun. Sur ce point, il se rapproche du grand film ascétique qu´est Printemps, automne, hiver et printemps de Kim Ki-Duk. La sérénité et la patience étant les mamelles de tout accomplissement personnel, les personnages de Mushishi s´inscrivent dans le panthéon des grands sages face aux manifestations invisibles. A l´inverse d´une traditionnelle représentation de fantômes ou d´âme n´inspirant que la peur et ne suscitant que l´hystérie, le film d´Otomo s´en démarque en procurant une irrésistible attirance pour ces Mushi impalpables, inquiétants, dont les victimes, loin d´être effrayées, essayent d´en comprendre avant tout les causes. Processus d´accomplissement par excellence.

Cette attraction féerique et l´impression de rêverie qui ressort du film sont dues à la manière qu´à Otomo d´utiliser les effets spéciaux digitaux pour traduire les Mushi. Jamais envahissante, agissante comme des fils de lumière ou une nuée de papillons virevoltant à travers l´obscurité, la matérialisation visuelle des Mushis est époustouflante de grâce. On est loin des gros effets spéciaux encombrant l´écran dans le but d´impressionner à tout prix. Le spectateur pose alors un regard émerveillé sur ces manifestations surnaturelles, à la manière d´un enfant qui découvre la beauté de la nature.

Et que dire de la vision de cette femme possédée dès la naissance par les Mushi et dont son corps est devenu le palimpseste, et qui, pour s´en défaire, écrit sur un parchemin du bout de son doigt l´histoire de chacun d´entre eux. Une sorte de processus inversé du Pillow Book de Peter Greenaway, où l´encre ne va pas de la plume au corps, mais du corps au papier. Toute surface est inscriptible, et le corps humain est à la fois le signifiant et le signifié, l´émetteur et le récepteur.

Envoûtant, féerique, réflexif, Mushishi est malgré sa durée, un voyage au pays du merveilleux dont il serait dommage de passer à côté.

Titre original : Mushishi

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Durée : 130 mn


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