MR73

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La sortie en salles de MR73 introduit incontestablement un débat. Pourquoi MR73 ne serait-il pas tout simplement le renouveau du Polar français ?

Le visage à demi plongé dans la pénombre, Schneider marmonne des sentences définitives, du style : « Dieu est un enfoiré. Et je vais le tuer ». Puis il détourne un bus marseillais, sous l’emprise de l’alcool. Mal rasé, une paire de lunettes vissée sur le nez, une bouteille dépassant de la poche et la démarche peu assurée, l’inspecteur de police incarné par Daniel Auteuil semble porter tout le poids du monde sur ses épaules. Et pour cause, c’est un quasi-veuf inconsolable, qui noie son chagrin dans le whisky, et continue malgré tout à exercer ce « putain de métier » de flic, qui s’accroche à son boulot comme à une bouée de sauvetage.

Le parti-pris n’est pas nouveau. Les flics éclopés, au bord de l’irréparable ou, tout du moins, de la sale bavure, le cinéma en a montré une large galerie. C’est même un cliché universel, car de Tokyo à Los Angeles en passant ici par Marseille, ces représentants de la loi, confrontés chaque jour au vice et à la violence, n’en sont pas moins des hommes, avec leurs failles et leurs faiblesses. C’est donc un cliché, certes, mais réaliste, car l’opinion n’a aucun mal à imaginer les difficultés d’un tel job. Nul besoin de mettre en doute la sincérité d’Olivier Marchal, lui-même ancien flic dégoûté de sa profession, lorsqu’il s’attaque à MR73. Déjà auteur de deux films policiers marqués par le fatalisme, le dégoût pour le pouvoir et une certaine fascination pour le masochisme à tendance destructrice, Marchal avoue pourtant avoir abordé ce troisième opus avec la peur de décevoir. Car autant Gangsters était passé inaperçu, autant 36, quai des orfèvres en avait fait le nouveau chantre du film à flingues hexagonal, la caution « authentique » quasiment tamponnée au coin de chaque affiche.

Le bouillonnant créateur a su se mettre en danger pour MR73. En collant aux basques d’une loque suicidaire, toujours affûtée mais imbibée en permanence, il risquait de laisser sur le bord de la route une bonne partie du public. Et de fait, même si Daniel Auteuil rempile ici dans le rôle principal, il existe peu de chances qu’on accorde le bénéfice du doute à son improbable personnage, apparemment sur la voie de la rédemption.

Le problème, majeur, incontournable, et qui supplante tous les autres défauts classiques du cinéma de Marchal (scénario truffé d’incohérences et de sous-intrigues vaseuses, absence de rythme, et, en guise de nouveauté, une invraisemblable galerie de décors pas crédibles une seconde, de la prison style Bastille au commissariat installé dans un pauvre entrepôt), ce problème se nomme bel et bien Daniel Auteuil. Seulement absent de l’image lorsque Olivia Bonamy (plutôt motivée par son rôle de fille brisée) entre en scène, Auteuil a manifestement envie de devenir le nouveau Delon du polar français. Grisé par le succès de 36, il montrait déjà des tics de jeu agaçants dans Le deuxième souffle, mais dans MR73, il ferait presque passer Frédéric Diefenthal pour un émule de l’Actor’s Studio. En flic marseillais sur la mauvaise pente, il n’est tout simplement pas crédible un seul instant. Tituber dans sa chambre en grognant comme un cochon ou voûter les épaules en regardant ses pieds, n’a jamais suffi pour camper un tel rôle.

A l’écran, ces maladresses sautent aux yeux, mais manifestement, Marchal n’y a vu que du feu. Etirant au maximum une intrigue déjà pas bien passionnante, multipliant les moments de ridicule achevé où Auteuil s’engloutit dans un coin des litrons d’alcool (oui, car, au bout de deux heures, vous serez véritablement persuadé que l’acteur est un arsouille fini, c’est garanti), le réalisateur de Gangsters transforme son polar désenchanté en un indigeste kouglof mélodramatique, exactement comme la deuxième partie de son précédent 36. Pourtant, la patte de Marchal se distingue régulièrement au détour d’une attitude, d’un personnage secondaire bien planté, d’une réplique qui fait mouche. Mais le réalisateur, lui, devrait revoir ses priorités. Ou laisser un artisan plus intransigeant, moins porté sur l’introspection que sur l’intrigue, diriger le navire. Car dans MR73, non seulement l’amateur de polar reste sur sa faim, mais le fan de drame intime aussi. Un coup de feu dans l’eau…

Titre original : MR 73

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Durée : 124 mn


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