Mon père est femme de ménage

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Un petit français, son père et la transmission dans une comédie sociale assez peu inventive.

Pour son passage derrière la caméra, l’écrivaine Saphia Azzedine adapte son roman du même titre et livre une comédie sociale sans véritable originalité. Le titre annonce la couleur avec une très grande clarté, entre ancrage dans une certaine vision des difficultés actuelles perçues à hauteur d’homme (par un homme, un vrai : un prolo) et acceptation de la condition du père. Dénué de toute ambition formelle, pourvoyeur auto-satisfait de clichés sociaux confondants que la fadeur des personnages ne parvient jamais à transcender, sans surprise, il bâcle son programme ne suscitant rien de plus que l’ennui. Petit récit initiatique centré sur le fils, Mon père est femme de ménage tend trop vite à se désunir en traînant, empilant les anecdotes. Quant à son apparente légèreté de ton, elle se révèle finalement véritable cache-misère et signe de la superficialité de la vision proposée.

Polo, 16 ans (Jérémie Duvall, déjà vu dans un rôle similaire dans Le Fils à Jo de Philippe Guillard, sorti en janvier), collégien comme les autres ? Pas tout à fait : son père est "femme de ménage". Apparemment de quoi soulever un rire moqueur généralisé parmi les autres garçons de son âge. Entre une mère à la limite de l’infirmité et une sœur qui ne rêve que de se voir devenir mannequin, celui-ci reste pourtant à ses yeux le seul à sortir la tête de l’eau. Presqu’un modèle portant sa famille à bouts de bras. Aussi préfère-t-il l’accompagner au travail pendant son temps libre et ses week-ends pour dépoussiérer avec lui de grands appartements parisiens plutôt que d’aller jouer au foot avec ses copains. Et là que fait-il ? Pendant que papa passe l’aspirateur ou le chiffon, nettoie les vitres ou astique le carrelage de la salle de bains, lui s’installe dans la bibliothèque pour "lire des livres" . Parce que la lecture, c’est bien connu, ça permet d’enrichir son vocabulaire (et d’apprendre des mots comme « épousseter » que papa ne connaît pas), et que l’éducation, ça sert aussi à progresser socialement. Et donc à ne pas être "femme de ménage" comme papa. Les tourments de l’adolescence, relayés par les railleries de quelques camarades, ne vont pas tarder à faire rejaillir cette contradiction.

Le conflit sera pourtant bien vite escamoté, renvoyé à un caprice d’ado, la cinéaste préférant recentrer son récit sur la consolidation du lien et relayer le désir du père de voir son fils accomplir une vie meilleure que la sienne. Polo et son papa, ça restera dans le fond toujours un peu toi et moi contre le monde entier. Cette valorisation de la figure conduit à une réflexion qui fait entrer en résonnance Mon père est femme de ménage avec deux autres films récents : Les femmes du 6e étage de Philippe Le Guay et Ma part du gâteau de Cédric Klapisch. La conjonction qui s’opère entre ces trois films français – trois comédies populaires – autour du personnage de « femme de ménage » interroge : un tel attrait est-il pur hasard ? Sans chercher à aligner absolument les discours proposés, on peut dire qu’il permet par le caractère intrusif attaché à sa fonction une confrontation, presqu’un choc de cultures, que les trois films traitent à la manière d’une opposition de valeurs.

Chez Le Guay, la jeune Maria sera le vecteur de l’idéalisation d’une communauté faisant naître chez le personnage de Luchini le fantasme d’une autre vie, l’arrachant à la grisaille parisienne, à la rigidité de son couple et la rigueur de son métier. Elle est incarnation du rêve et du désir de fuite d’un bourgeois empâté, magnifiquement interprété par le comédien. Promesse d’évasion, elle est image, rêverie des sens, pure matière filmique. Chez Klapisch et Azzedine, la « femme de ménage », père/mère de famille à responsabilités, est au contraire un personnage terre à terre, valorisé dans l’adversité, étendard d’une certaine idée du mérite : incarnation de la "France d’en bas", celle qui lutte pour tenir et faire tenir sa famille, pliant mais ne rompant jamais. Elle sonne la charge, dans Ma part du gâteau, d’une prise de conscience des dérives d’une économie coupée du monde du travail. Est-ce un personnage réaliste pour autant ? Agaçante par trop d’angélisme (son côté Jeanne d’Arc), trop allégorique pour être vraie, la France de Klapisch n’emporte jamais l’adhésion. Le Michel de Saphia Azzedine, interprété par François Cluzet, se démarque en évitant de céder à ce genre de faiblesse. Le jeu du comédien, surnageant au milieu d’une distribution insipide, tout en finesse et faisant la preuve d’un vrai sens comique, y est pour beaucoup (son "Tu vas au Louvre et tu vas voir les dessins !" lancé à son fils dans un moment de colère reste en mémoire). Il justifie à lui seul l’octroi d’une étoile à ce film. Le reste…

 

 

Titre original : Mon Père est femme de ménage

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Durée : 80 mn


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