Franco-canadienne vivant à Paris, Shalimar Preuss a suivi des études d’art et de cinéma en France et aux États-Unis avant de passer à la réalisation en 2005 avec un premier court métrage, Seul à seul. Puis, en 2007, ce sera L’Escale et Rendez-vous à Stella Plage. Avec Ma belle gosse, elle reste sur la côte mais aborde un genre narratif plus difficile que le court métrage, avec cette fiction de 80 minutes qui ne va pas sans évoquer Le Garçu (1995) et un cinéma en demi-teintes, procédant par petites touches, en apparence insignifiantes, mais dépeignant un univers plus général, qui est celui des rêves perdus et du « vert paradis des amours enfantines » pour reprendre la poésie verlainienne.
En effet, dans ce film, chaque être paraît seul, comme si l’incommunicabilité était devenue le mode de fonctionnement de notre société, plus préoccupée de l’avoir que de l’être. Le père est dans sa sphère : il souffre de ne pouvoir être aimé de sa fille, voire de sa femme, voire aussi de sa compagne. Les tantes sont présentes/absentes et on ne sent que peu d’implication dans leur insertion au cœur de cette petite compagnie. Il n’est pas jusqu’aux enfants qui se montrent à leur tour un peu détachés du monde, de la mer et des joies de la plage, presque toujours au bord du drame ou de l’incident, voire de l’accident. Au centre du récit, comme dans son apparition sur le bord de la fenêtre au premier étage de cette maison bucolique et charmante, la jeune Maden – il y a un peu de « folie » et d’agacement dans ce prénom qui évoque tour à tour l’anglais et/ou le breton – rêve, à la manière d’un Rimbaud d’un autre monde, d’autres amours, parce que « la vraie vie est ailleurs ». Sa position en fait à la fois une victime et une révoltée qui se donne et se dérobe en même temps, accordant seulement son amour à un être absent, quasiment imaginaire, qu’on ne voit pas mais qui pourtant occupe toutes ses pensées, donc tout l’écran, comme une incarnation à la fois magnétique et sulfureuse de l’amour. Il est vrai qu’on a beaucoup de mal à imaginer qu’une ado de 17 ans puisse se contenter d’un amour aussi irréel, voire fantasmatique, si ce n’est pour s’opposer à sa famille et faire tourner en bourrique son entourage.
Shalimar Preuss ne porte aucun jugement de valeur. Elle se contente de filmer ce petit drame en huis clos avec une caméra presque épaule qui sait mettre en valeur le moindre détail, le plus insignifiant des figurants, et créer des images sur les drames minuscules qui font l’enfance, ce qui, on le sait bien, n’est pas facile. Sans aller jusqu’à évoquer la mémoire de L’Enfant sauvage (1970) de François Truffaut, on ne peut que croire au talent de la jeune réalisatrice, qui saura sans doute trouver sa voie et nous offrir maintenant de grands films. C’est en tous cas tout ce qu’on lui souhaite, même si ce premier long métrage aurait pu être mieux maîtrisé par moments, à moins qu’il ne s’agisse d’un problème de scénario, trop maigre et peu palpitant. À quand un bon polar, Shalimar ?