M.A.S.H. (Robert Altman, 1970)

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Considéré comme anti-militariste, « M.A.S.H. » (1970) fut le plus grand succès de Robert Altman.

Quand Robert Altman reçoit le scénario de M.A.S.H., refusé déjà par quelques réalisateurs de renom, il voit surtout une opportunité d’y mettre  ses idées et opinions sur l’armée américaine ayant pris forme durant ses nombreuses années de travail sur des séries TV. Engagé dans l’aviation dès ses 18 ans pendant la Seconde Guerre mondiale, Altman connaît bien le sujet et transforme le roman de Richard Hooker, qualifié de réactionnaire et raciste, en sa vision de la « mission militaire », qu’il considère comme dégradante et exécrable.
 
Deux chirurgiens, le capitaine Pierce « Hawkeye » (Œil de lynx) joué par Donald Sutherland et le capitaine Forrest « Duke » (Tom Skerritt) arrivent au campement d’une antenne chirurgicale de guerre située en Corée, d’où le titre du film, « M.A.S.H. » (Mobile Army Surgical Hospital). Ils réclament aussitôt au colonel du campement, qui ne fait que manger, pêcher, copuler et dormir, un autre spécialiste de la machinerie du corps humain – un chirurgien thoracique. Le Capitaine « Trapper John » (Elliott Gould) arrivé, commence alors un long enchaînement d’opérations baignant dans le sang, ponctué de beuveries, bronzettes, parties de golf, de foot et de jambe en l’air. Comme la Fox le proclamait à la sortie du film : « Suivez nos vaillants chirurgiens qui se frayent leur chemin parmi les rires et le sang ».

Cette trame narrative énoncée plus haut n’est pas un scénario classique. D’ailleurs Ring Lardner Jr, le scénariste du film, se plaignait constamment  du fait que le réalisateur ne suive pas son script. En effet, Robert Altman voyait un scénario comme une sorte de cercle installant des limites qu’on ne peut pas transgresser, mais à l’intérieur duquel il reste possible d’évoluer à sa guise. La plupart des comédiens de M.A.S.H. faisant partie d’une compagnie du théâtre de San Francisco, une fois la répétition d’une scène bouclée, ceux-ci pouvaient improviser à volonté. Ainsi leur jeu parait-il plus spontané, rappelant parfois le style documentaire.
 

Comme dans tous les films d’Altman, le lieu a une importance primordiale. Tout, à l’exception d’une séquence au Japon, se produit au camp. On dirait que les personnages bouillonnent dans un pot gigantesque, interagissent les uns avec les autres, produisent des réactions chimiques irréparables. Un jeunot pleure parce que son supérieur lui attribue la mort d’un de ses patients, le dentiste veut se suicider car il n’a pas pu assurer lors d’un rendez-vous galant, l’infirmière en chef devient folle de rage parce qu’on ouvre la tente pendant qu’elle prend sa douche. Selon le réalisateur, plus les personnages sont pittoresques et surréalistes, plus le fond doit paraître réaliste. Le décor du campement parait sale, délabré, bancale, mélange de couleur de boue et du kaki militaire. La tente des trois chirurgiens est surnommée « Swamp » – marécage en anglais.

Dans l’ordurier décor militaire, s’inscrivent les portraits des trois chirurgiens : égoïstes, arrogants, alcooliques, salaces, coureurs de jupons et pourtant sympathiques ! Ils maîtrisent leur métier en dédramatisant la situation de guerre et cassent les règles absurdes à chaque fois qu’ils ont affaire à leurs supérieurs, plus stupides les uns que les autres. A l’époque, au début des années 70, il était assez inhabituel de voir ce type de personnages alors que dans les films de guerre traditionnels on chantait la beauté de la guerre et mourrait fièrement au nom de la patrie.
 


Dans la mise en scène du suicide supposé de capitaine Waldowski,
Altman imite de La Cène de Léonard de Vinci
La chanson « Suicide is painless » (trad : Le Suicide est sans douleur) nous berce pendant tout le générique de début. La mélodie nous rappelle une chanson d’amour romantique alors que les paroles (écrites par le fils de Robert Altman) nous prônent les bienfaits du suicide. C’est une allusion à l’appel du gouvernement à s’engager dans l’armée. A quelless vertus de la guerre peut -on faire appel quand on sait qu’à l’autre bout la mort nous attend ? Connaissant lui-même la guerre, Robert Altman était bien conscient que le gouvernement américain ne se bat que pour des principes purement économiques.

En 1970, date de la sortie du film, les Etats-Unis était en pleine guerre du Vietnam, ce qui inspira fortement le film. La Fox, ne voulant pas de cette allusion, demanda au réalisateur de mettre clairement une référence à la guerre de Corée au début du film. Altman rajoute alors deux citations, l’une du général MacArthur et l’autre du président Dwight D. Eisenhower, non sans ironie, alors qu’au premier plan on voit toujours les silhouettes des chapeaux coniques des vietnamiens.
 

La bande son du film est particulièrement riche de bruitages, d’effets sonores, de voix superposées, de musique. L’idée de mettre les annonces des haut-parleurs, qui ponctuent le film et lui donne une certaine homogénéité, est notamment venue au montage. Ces haut-parleurs sont un symbole des dictatures, c’est par là que se répand la propagande, un film pouvant être aussi un moyen de propagande comme M.A.S.H. nous le rappelle. A la fin, le dernier message du haut-parleur est : « Vous avez regardé MASH ». On rit facilement pendant le film, mais ce message pourtant si simple ne laisse pas indifférent et nous inclut dans l’équipe médicale. Cela nous rend peut-être plus conscient de notre responsabilité vis-à-vis des horreurs de la guerre, que certains gouvernements, aujourd’hui encore, essaient de nous faire accepter. « Putain d’armée ! »
 


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