Asia Argento, cinéaste volontiers rebelle et revêche, s’engage d’emblée aux côtés de sa jeune héroïne, de tous les plans et qu’elle filme à sa hauteur : les parents sont souvent regardés en contre-plongée, pantins pathétiques desquels elle attend de l’amour et dont elle ne comprend pas les actes. De situations pourtant douloureuses (incessantes batailles parentales, rejets perpétuels), la réalisatrice organise plutôt un ballet dégingandé où le désespoir sert de moteur à l’énergie la plus vitale. L’Incomprise file à toute vitesse, agencement très désordonné de séquences plus ou moins réussies installées dans un décorum eighties ultra-kitsch qui marque autant un désir de représenter le sentiment de solitude d’Aria (pas de smartphones, pas de messengers qui seraient une fenêtre vers l’extérieur) que l’occasion ludique d’installer un théâtre de marionnettes bariolé où le fluo et le suranné des lieux et vêtements servent à affirmer une identité visuelle forte.
De ce bout-à-bout de vignettes qui tient parfois plus du collage ou du scrapbook que d’un film à proprement parler, Asia Argento tire un long métrage turbulent, punk dans sa mise en scène mais plus assagi que par le passé (le journal filmé qu’était Scarlet Diva, 2000). La tristesse y est l’une des étapes obligées d’une enfance opprimée, au même titre que les premières cigarettes fumées dans le secret des toilettes de l’école, ou qu’une fête improvisée – façon Virgin Suicides surexicté – dans l’appartement luxueux et déserté d’un père démissionnaire. La belle force de caractère de son personnage principal (la jeune Giulia Salerno est, par ailleurs, prodigieuse) sauve le film de la dépression, autant que son montage approximatif et chahuté empêche de s’y attacher tout à fait. Bulle pop et rageuse, gentiment accusatrice, L’Incomprise n’épargne vraiment qu’Aria sans s’autoriser à condamner les parents, sujets grotesques mais finalement réjouissants. Comme le film, aussi agréable que vite évanescent.