L’impact de la musique dans le cinéma

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Lou Reed interprète Berlin dans le dernier film de Julien Schnabel. Musique et cinéma : deux cousins germains qui n’ont fait que rendre heureux les spectateurs.

Quelle belle histoire. Quelque chose qui oscillerait entre un rêve jamais démenti et une réalité toujours diffuse. Un petit son qui s’éparpille à partir d’une séquence, d’une image animée, d’un enchevêtrement de choses de la vie, et qui va forcer définitivement celui qui se prénomme "passionné" à veiller sur cette petite musique du promeneur solitaire. Des exemples, on ne pourra jamais les compter. Des souvenirs, encore moins. Ce sera "My rifle, my pony and me" de Rio Bravo, "Then he kissed me" des Affranchis, "Street Hassle" des Berkman se séparent, "Sweet Nuthin" de High Fidelity et tant d’autres. L’impact de ces quelques notes a toujours poursuivi les chanceux qui vivent tous ces films, qui caressèrent le scalpel fiévreux d’un cinéaste mélomane, d’un Scorsese mitraillant ses images de mélodies légendaires, d’un Hermann qui terrifia Hitchcock, d’un Schiffrin qui jusqu’à aujourd’hui continue de faire pleurer les nostalgiques des peines perdues. Le gâteau est délicieux, les parts sont énormes et le champagne coule à flot. Se délecter, se perdre, se sentir aimé, au travers de moments communs mais conséquents car ce sont ces je-ne-sais-quoi qui vont accompagner les intrigues, les rendre malléables, et, mieux encore, qui vont créer une mise en scène. Pas n’importe laquelle : celle du spectateur.

Car l’impact d’une musique est indescriptible. Que cela soit le critique de cinéma, qui se triture la tête pour trouver les mots qui raviront les maux des lecteurs, que cela soit ce dernier qui poussera un soupir rapidement suivi par de longs sanglots monotones, que cela soit le cinéaste fou de joie d’avoir pu placer sa « music », tous ont une sacrée raison d’y croire. Tout passe par le paraître et rien ne sera plus jamais comme avant. Lorsque dans Les Affranchis, Ray Liotta emmène sa copine dans un restau, c’est en passant par les cuisines et sous la sucrerie des Crystals, sur un fond sonore – composition de Phil Spector, qui constitue un écho parfait avec la situation gourmande créée par la scène.
Lorsque Steve McQueen, dans La Grande évasion, pénètre pour la énième fois dans sa cellule, c’est pour mieux siffloter la petite musique, devenue culte, de Bernstein. Et ce ne seront ni l’homme à l’harmonica, ni celui qui tient le banjo, dans Il était une fois dans l’Ouest, qui diront le contraire. Morricone tout comme Williams et ses Dents de la mer, donnèrent une identité aux personnages. Complice de cette machination et de cette illusion, le personnage de fiction se matérialise et prend possession du spectateur, qui n’aura dès lors plus qu’à fermer les yeux pour se fondre de nouveau dans sa nostalgie.

Dans le très beau A la verticale de l’été (Tran Anh Hung, 2000), il y a ce temps qui s’arrête. Net, sans bavure et tout simplement beau. Matinée ensoleillée, calme apparent, bise légère et intérieur lumineux. Se lever, s’étirer, se regarder et agir. Et puis un ange passe, une voix s’élève, elle clame « Sometimes I feel so happy, Sometimes I feel so sad ». Et je regarde, je comprends. Cette chanson parle à ceux qui patientent, qui frémissent et qui songent à leur bien-aimé. « Comprends-tu que je t’aime ? », telle est la phrase à retenir de cette séquence. « Comprends-tu que cette balade me rappellera les minutes d’accalmie, les journées où la poésie de la nature traversa l’esprit des cœurs torturés ? ». Des sentiments, des ressentiments omniprésents, des vertiges qui gravitent et pendant ce temps-là, Lou termine sa chanson sur « Linger on your pale blue eyes ». Et puis tout s’arrête. Que s’est-il passé ? Plus de bruit, plus ce vent qui s’est levé pour le héros, plus cette note de musique. Alors, chacun songe à sa mélodie du bonheur, à son petit jardin secret. « Pour une fois les flics ont gagné, vers chez toi je ne fais que passer », clamait le troubadour. Une étoile a filé. Le retour sera terrible !


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