Lili Marleen

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Long métrage abordant l’Allemagne nazie par le biais des aventures d’une femme au destin tragique, Lili Marleen complète la remarquable tétralogie du cinéaste qui se compose de : Les Larmes amères de Petra Von Kant, Le Mariage de Maria Braun et Le Secret de Veronika Voss. S’inspirant librement du parcours de la chanteuse Lala Anderseen […]

Long métrage abordant l’Allemagne nazie par le biais des aventures d’une femme au destin tragique, Lili Marleen complète la remarquable tétralogie du cinéaste qui se compose de : Les Larmes amères de Petra Von Kant, Le Mariage de Maria Braun et Le Secret de Veronika Voss.

S’inspirant librement du parcours de la chanteuse Lala Anderseen qui interpréta la chanson Lili Marleen (grand succès auprès des soldats de la Wehrmarcht, pour la plupart sur le front Russe), Fassbinder nous livre son film le plus mélodramatique au sens hollywoodien du terme, dans l’ascension (sociale) et la chute (sentimentale) de l’héroïne. Willie (magnifique Hanna Schygulla !) exprime par son cheminement la figure complexe d’une femme allemande dans une époque troublée par la guerre et les crimes nazis. La force du film se résume par la capacité du réalisateur à ne pas enfermer définitivement Willie dans une posture victimaire. Cette approche permet à Fassbinder d’éviter le piège facile du film antifasciste à l’esthétique discutable, car beaucoup moins kitch que ses précédents opus.

Héroïne « fassbindérienne » dans son engouement pour la vie et le plaisir (côté détaché et presque irresponsable de Willie vis-à-vis du régime nazi), la Femme représente la seule chance de redonner à l’existence un salut dans un monde dominé par la haine et la destruction. Ce qui anime notre héroïne, c’est l’amour qu’elle porte à Robert, et non son engagement tardif dans la résistance. Heureuse du succès qu’elle remporte, Willie correspond à la femme matricielle si chère à Fassbinder. Par sa chanson elle motive les troupes, celles qui vont au front, celles qui, comme Willie et son pianiste, sont abusées par le troisième Reich. Refusant de prendre partie, Willie se laisse porter par l’Histoire et ne voit rien, ou ne veut rien voir.

Laissant de côté la construction d’une mise en scène de la distanciation par de longs plans séquences et cadres fixes en composition, Fassbinder recrée un matérialisme cinématographique qui déjoue tout faux sentimentalisme. En regardant droit dans les yeux cette Allemagne nazie qui le hante, il instaure une fois de plus, l’impossible identification du spectateur. Willie n’est pas une héroïne de la guerre, c’est juste une femme traversant de manière désincarnée une époque qui la dépasse. De même, le régime nazi est juste esquissé, Fassbinder préférant construire une histoire d’amour impossible sur fond de guerre. Le réalisateur adopte un ton ironique, non engagé, ou l’idée d’accuser un tel régime n’a plus de sens (il faut juste se rappeler que cela a bien eu lieu).

La scène de la rencontre entre Willie et Hitler baignée d’un halo blanc irradiant la porte, renforce l’idée de ne pas montrer le mal. Celui-ci, de toute façon présent, devient alors la figure primordiale de ce qui doit être dépassé. Par cette pirouette philosophique, Fassbinder élabore un film tragique entre décadence d’une société par ceux qui en sont les instigateurs et les victimes, ironie dans le comportement d’une Willie qui aime un juif et accepte d’être le porte drapeau du troisième Reich, modernité effrayante d’un régime capable d’instaurer un outil de propagande aussi banal qu’une chanson.

Lili Marleen n’est donc pas ce film commercial impardonnable de Fassbinder. Il est ce visage dual entre une Willie livide lors de sa dernière prestation, et un Robert flamboyant pour sa première représentation. Film relais, Lili Marleen est l’expression d’un cinéaste en quête d’une rédemption impossible (le cinéma, « c’est le mensonge vingt-cinq fois par seconde » ), mais qui ne renoncera jamais de croire au destin d’une humanité en paix avec ses démons.

Titre original : Lili Marleen

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Durée : 120 mn


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