Les Chats persans

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Musicien et mélomane, Bahman Gohbadi revient sur les écrans avec un quatrième long métrage consacré à la musique. Un film coup de poing sur la jeunesse, l´art, l´espoir.

Après s’être intéressé à la musique kurde traditionnelle dans ses précédents opus (Un temps pour l’ivresse des chevaux – 2000 ; Les chants du pays de ma mère – 2003 ; Half Moon – 2007), le réalisateur prodige du cinéma iranien déplace son propos à Téhéran et utilise la scène pop-rock clandestine comme prisme décomposant la situation actuelle des jeunes artistes en Iran, où la musique est considérée comme impure et le chant féminin interdit.

Mode d’expression et exutoire favori des jeunes (rappelons que la majeure partie de la population a moins de 30 ans), la musique est la force centripète qui anime le film d’un bout à l’autre. Outre les scènes de répétition, de concerts, de fête, et l’illustration d’une large variété de genres musicaux, le montage dévie à intervalles réguliers vers un langage audiovisuel hérité du clip. Des images de Téhéran sont ainsi montées en saccade, dans un style « clip touristique du triste » pas forcément très fin ou très subtil, mais tendant néanmoins vers un discours plus ouvertement politique.

Car avec Les Chats persans, Mr Gohbadi signe un manifeste, ou en tout cas une déclaration d’intention : redonner la parole à une communauté, laisser entendre la profonde souffrance qui l’habite et dévoiler aux yeux du monde un Iran bien plus polychrome que l’on pourrait imaginer ; malgré la censure et les pressions policières, la créativité et l’énergie sont là. Et il fallait les deux au cinéaste pour réaliser son pari fou : tourner un long métrage en 17 jours, sans autorisation et avec la peur constante d’être arrêté dans un coin de la conscience !

L’ambiguité du film, dont on ne sait avec évidence s’il s’agit d’un documentaire ou d’une fiction, permet une identification fort pertinente aux personnages principaux. Ces derniers sont interprétés par Negar Shaghaghi et Ashkan Koshanejad qui leur prêtent aussi bien leur nom, leur histoire que leur naturel. A leur sortie de prison, Negar et Ashkan décident de monter un groupe d’indie rock et tentent tant bien que mal de se procurer de faux passeports et visas pour fuir à l’ouest. Ils sont aidés pour cela par le roublard Nader, dont la gouaille est à l’origine des répliques les plus drôles du film. Mais malgré la débrouillardise de leur ami, les obstacles se succèdent : la tâche de récupérer les papiers permettant l’exil s’avére ardue – alors que l’argent ne manque pas – et le recrutement des autres membres du groupe est bien fastidieux, certains trouvant le risque trop grand, d’autres refusant de quitter leur patrie.

Les irruptions fulgurantes du tragique dans un récit au ton globalement comique et décalé (les répétitions à la ferme, le plaidoyer de Nader) achèvent de conférer à l’ensemble une belle conscience politique. Si Bahman Gohbadi n’hésite pas à styliser (l’affiche du film est assez représentative de son travail sur l’image), il n’oublie pas de montrer le régime iranien tel qu’il est à l’heure actuelle : oppressif.

Au-delà des anecdotes percutantes et significatives distillées de-ci de-là, se pose une question qui nous étreint le coeur : quel avenir possible pour cette jeunesse niée ?

Titre original : Kasi az gorbehaye irani khabar nadareh

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Durée : 101 mn


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