Inspirée d’un fait authentique, l’intrigue est somme toute dépouillée d’originalité : deux femmes se réclament mère d’une même enfant. L’histoire ne date pas d’hier, plutôt du jugement de Salomon, mais dans le film, les liens entre véritable génitrice et progéniture ne sont pas simples à dénouer. L’Empreinte de l’ange ouvre les portes d’un univers brumeux où raison et folie s’affrontent et s’entrelacent pour semer le trouble.
Le monde de Claire apparaît comme celui de la rationalité. La maison très cossue des Vigneaux présente des fenêtres qui laissent pénétrer une abondante clarté, et met en lumière un tableau familial nageant dans le bonheur. Même commune mais changement de cadre, quelques rues plus loin.
Le milieu d’Elsa n’a rien à voir avec la bulle édénique dans laquelle évoluent les Vigneaux. Son monde est habité par l’éclatement. La femme a divorcé de son mari et s’occupe seule de son fils Thomas. A son quotidien ne sont associés que les dissonances de la ville (bruits de circulation et du centre commercial). Elsa jongle avec les médicaments, les liqueurs et la caféine pour résister, mais son équilibre est aussi vulnérable qu’un fétu de paille. Elle est en proie à la démence, néglige son fils et devient persona non grata dans la demeure des Vigneaux tandis que Claire, souvent filmée en train de chercher ses enfants à l’école pour les ramener dans le nid douillet et familial, se présente comme une mère bienveillante.
Deux femmes rivales, deux mondes opposés, mais l’animalité est présente de part et d’autre. Safy Nebbou fait ressortir la bestialité de ses personnages en explorant les arcanes de l’instinct maternel, via le jeu équivoque de Catherine Frot et de Sandrine Bonnaire. Peut-on reconnaître sa progéniture en se fiant à son seul instinct ? L’idée, qui repose sur une attitude primaire et intuitive, offre un très beau décalage avec la société où prédomine la rationalité. Flairer son enfant, crier, épier le danger qui la guette et le combattre sont autant d’actions où la femme fait fi de la culture pour laisser la voie libre à ses pulsions, au sein d’un monde urbain et policé.
L’Empreinte de l’ange baigne dans le fantastique, où tout est vaporeux et équivoque, à l’image de l’eau, omniprésente dans le film et contrastant avec l’épisode narré de l’incendie. Elle apparaît comme une force vitale et constitue le symbole de la fécondité et de la fertilité. Son absence dans la piscine est très évocatrice à cet égard. L’eau est apparentée au liquide amniotique, elle est source de vie mais, à l’état de glace dans la scène de la patinoire, elle connote le danger, symbolise la stagnation psychique, l’obsession stérile dans laquelle est enfermée Elsa, et s’avère ainsi un danger. Elle permet également les ablutions sous la forme de pluie, dans le long métrage. L’eau emprunte diverses formes pour brouiller les pistes, et participe à la création de ce climat captieux dans lequel évoluent les protagonistes.
La confrontation animale opposant Claire et Elsa fonctionne à merveille, mais il est dommage que les autres personnages, notamment celui de Lola, soient éclipsés. Toutefois, l’instinct maternel, relevant du mystère et du secret, ainsi que l’animalité, autour desquels s’articule le film, inscrivent ce dernier dans une originalité qui vaut un certain détour.