Premier long métrage de l’actrice Estelle Larrivaz, Le Paradis des bêtes reprend la problématique de son court métrage Notre Père (2000), celle de la violence au sein du couple. Ici, elle raconte la terreur qui peut s’installer entre un père violent, mais toutefois charismatique, sa femme, qui est loin de correspondre au cliché de la femme battue, et leurs deux enfants. Le Paradis des bêtes est une animalerie tenue par un frère et une soeur, complémentaires, aux prénoms, Stéphane et Dominique, unisexes et interchangeables.
Le film est en fait une sorte d’hommage, peut-être involontaire, à Claude Chabrol avec portrait de bourgeois de province dans leurs travers et leur mesquinerie, les conduisant parfois à se dépasser dans l’horreur. Cependant, le propre de la réalisatrice est de ne pas se laisser cantonner à un seul regard. Elle passe de la vision terrorisée, mais aussi fascinée, des deux enfants, à celle de l’épouse qui atteint, grâce à la violence de son mari, sa propre libération, en passant par les yeux du père, magnifiquement interprété par Stefano Cassetti (qui avait déjà prêté son jeu ambigu au film de Cédric Kahn, Roberto Succo, en 2001). Quant à Muriel Robin, presque à contre-emploi, elle donne au personnage de la soeur une dimension tragi-comique, trouble et perverse, qui place la narration sur une sorte de corde raide.
Un film intéressant qui apporte une autre coloratura au film psychologique, ne comportant ni jugement moral, ni règlement de compte sociologique. Un monde où les enfants restent pourtant des gosses, avec leurs peurs, mais aussi leurs rires, leur goût de la magie, leurs petites joies, pris au piège d’une histoire qui tourne mal et dont ils sont les innocentes victimes.