La romancière, le film et le heureux hasard

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Un conte psychologique et une rêverie sur le cinéma.

Déambulation d’une écrivain

Le cinéma coréen nous étonnera toujours et encore plus celui de Hong Sangsoo, réalisateur prolixe découvert au festival de Vancouver en 1996 pour son film Le jour où le cochon est tombé dans le puits et qui était déjà l’histoire d’un écrivain. Ce thème le fascine et on en trouve beaucoup dans la plupart de ses films. Scénariste et réalisateur sud-coréen, Hong Sangsoo naît à Séoul en 1960. Il découvre le cinéma grâce à des films hollywoodiens qu’il regarde à la télévision. Il intègre le département Théâtre et cinéma de l’université de Chungang et complète sa formation aux États-Unis, à l’Art Institute de Chicago et au College of Arts and Crafts de Californie. Après l’obtention de son diplôme, il retourne dans son pays natal pour y exercer son métier de réalisateur et de scénariste. 

Un cinéma au jour le jour

Á travers son enseignement et ses films, Hong Sangsoo va développer un style bien à lui composé à la fois d’un cinéma pauvre (en effet c’est lui qui est crédité au générique à tous les postes de la réalisation et même de la production sauf pour le son car il a besoin de s’en décharger pour mieux diriger le tournage et les acteurs) et quasiment écrit au jour le jour. Il le constate lui-même dans l’entretien qu’il a accordé pour le dossier de presse du film : « Au début de ma carrière, j’écrivais d’abord tout le scénario. Avec le temps, j’ai réduit le volume d’écriture. Avec Oki’s Movie, qui fut effectivement une bascule, je n’avais rien, seulement certains des acteurs et les décors. C’est là que j’ai compris qu’une fois ces choix opérés, je pouvais vraiment me concentrer environ deux semaines pour parvenir à une intrigue, dans une structure simple. J’avais donc pris l’habitude depuis d’écrire tôt le matin le jour de tournage. Maintenant je tourne le jour même ce qui a été écrit la veille : je monte la nuit ce que je viens de tourner. En fonction de cela, j’écris le scénario du jour suivant. » 

Etrange alchimie qui ressemble presque au travail du peintre mais aussi de l’écrivain et qui permet à son cinéma d’obtenir cette touche presque évanescente. Il ne sent pas l’âme d’un documentariste et son cinéma – qui pourrait y faire penser pourtant par certains côtés – en est toutefois complètement éloigné ne serait-ce que parce qu’il utilise des acteurs professionnels car il peut leur demander d’aller très loin notamment dans la mémorisation de leur texte et le rendu de l’interprétation. Ce ne serait pas le même travail et cela prendrait beaucoup plus de temps avec des non professionnels. Pour ce film, le scénario est très simple : dans la banlieue de Séoul, Junhee, romancière de renom, rend visite à une amie libraire perdue de vue. En déambulant dans le quartier, elle croise la route d’un réalisateur et de son épouse. Une rencontre en amenant une autre, Junhee fait la connaissance de Kilsoo, une jeune actrice à laquelle elle propose de faire un film.

Enivrez-vous et jouez

Sur cette trame légère comme un scénario de Rohmer, Hong Sangsoo nous offre un de ses plus tendres films en noir et blanc en choisissant pour le rôle de la romancière Lee Hyeyoung, fille d’un célèbre réalisateur coréen et qu’il avait déjà fait tourner dans son film de 2021, Juste sous vos yeux. Ici, elle fait merveille, déambulant, hésitant, écrivant, et buvant dans une scène d’anthologie comme dans la plupart des films coréens et de Hong Sangsoo plus particulièrement. Voyons plutôt ce qu’il dit de ces séquences alcoolisées pour en savourer tout l’esprit : « Je n’aime pas quand les acteurs jouent l’ivresse. Ca sonne faux. Avant, je les laissais se saouler, mais j’ai fini par comprendre que ça rendait impossible la mémorisation de leurs dialogues. Donc maintenant, je leur dis : « Si vous pouvez boire cinq verres sans finir complètement ivres et sans oublier vos textes, alors vous pouvez les répartir en dix prises. Si vous n’en supportez qu’un, sirotez-le et buvez de l’eau ensuite. Et si vous en ressentez le besoin, vous pouvez en siroter un autre. » C’est une question de contrôle. Je procède de la sorte parce que c’est physique : le goût de l’alcool dans la bouche, les émanations dans les narines… je pense que ça aide beaucoup. Tout ce qui en ressort est différent, renforce la séquence. »

Titre original : 소설가의 영화; Soseolgaui yeonghwa

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Durée : 92 mn


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