La Influencia

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Premier long-métrage de son réalisateur, La Influencia impose sans prétention ni arrogance une conception originale d´un cinéma de l´intime.

La Influencia détonne par son caractère sobre, dépouillé et minimaliste. A mi-chemin entre la fiction et le documentaire, le long-métrage s’apparente plus ou moins à un film de famille. Les décors sont réels, les événements ordinaires. Les rares dialogues, de leur côté, renvoient à des propos banals échangés par une mère et ses enfants. Restreignant le nombre de ses personnages, Aguilera, de plus, les fait jouer par des acteurs non professionnels. Les enfants dans le film sont réellement ceux de leur mère. Loin de rendre la réalité plus expressive qu’elle ne se donne par nature, Aguilera s’efforce, tout simplement, de la décalquer telle quelle.

L’enjeu posé par La influencia revient à s’immiscer dans un foyer et à filmer les relations qui le composent. D’emblée, l’accent se porte sur l’ennui ressenti par la mère esseulée sur son lieu de travail. Constamment inactif, le personnage sombre peu à peu dans une apathie dépressive. Le désœuvrement dont elle est victime contamine par la suite ses enfants. Libérés de l’autorité maternelle, ceux-ci mènent une vie oisive et sans contraintes et finissent progressivement par voler de leurs propres ailes, par transpercer l’enveloppe du monde qui les protège.

Le film, subtilement, cherche à articuler le réalisme sous une puissante forme allégorique. Se procurant les moyens de filmer des relations familiales préexistantes à l’objet même du film, le réalisateur fait preuve d’une certaine foi dans l’improvisation et la spontanéité de ses acteurs. Sans réellement s’appuyer sur des sentiments précis et déterminés, Aguilera prête à son matériau un maximum d’interprétations possibles. Les choses ne s’expliquent pas mais semblent naturellement vécues.

Tout en jouant sur plusieurs niveaux de lectures, le film tend à s’organiser sur un axe bien plus transversal que linéaire. Il ne s’agit pas tant de suivre les conséquences matérielles et psychologiques dues à la dépression du personnage féminin que de constater par quel biais ces évolutions peuvent prendre forme. Le réel filmique ne tend pas vers l’allégorie, c’est l’allégorie qui s’incarne dans le réel. La dégradation des relations familiales – cette influence que les personnages se portent les uns sur les autres – ne désigne donc pas un prétexte scénaristique mais une véritable matrice expressive. Par-delà la filiation familiale et la contamination qui s’y greffe, le film se déploie dans une grande structure métaphorique bâtie sur les idées de vie, de mort et de renaissance dont les personnages fournissent les archétypes.

Tout le talent d’Aguilera consiste à distiller la quantité des différents changements qui s’opèrent au fil du récit selon la qualité qui leur est dévolue. Pour ce faire, le cinéaste met au point un certain nombre de techniques intéressantes. D’une part, il supprime le rôle du hors-champ en concentrant l’essentiel des événements dans le champ même de la caméra. D’autre part, il privilégie un montage sec et abrupt afin d’obtenir un certain équilibre entre les plans courts et les plans longs. De même que Marey cherchait à décomposer le mouvement physique en inventant le fusil photographique, Aguilera s’intéresse à la décomposition du changement psychologique de ses personnages. Réduites à leur plus petite valeur possible, les assertions narratives véhiculées par la fragmentation des plans composent une saisissante mosaïque en mouvement à la manière d’un jeu de dominos trébuchant les uns sur les autres.

La Influencia révèle un style singulièrement captivant qui gagnerait néanmoins à être plus développé. C’est que, faute d’être véritablement nourri par des éléments des plus concrets, l’œuvre d’Aguilera passe en réalité pour un court ou moyen-métrage élargi aux dimensions d’un film de longue durée.

Sortie le 23 avril 2008

Titre original : La Influencia

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Durée : 83 mn


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