A une époque qui ne parlait pas d’égalité mais où les femmes étaient perçues comme une menace potentielle, les fantasmes masculins se répandaient sur les écrans. La femme fatale est belle et sexy, intelligente et blasée, mystérieuse, calculatrice, ambitieuse et parfois sans morale, et elle manipule les hommes littéralement subjugués. La femme fatale se révèle sous de multiples visages pour alimenter tous les fantasmes. Elle est à la fois drogue et poison, mais aussi objet de fascination et d’effroi. La femme fatale conduit les hommes par le bout du nez pour mieux les mener à leur perte. Bref elle joue un rôle très négatif.
Elle fait des ravages chez le héros qui est aveuglé par sa beauté provocante. Elle est trop belle pour être un monstre mais aussi trop intelligente pour rater son coup.
Le propre des femmes fatales est d’avoir un but à atteindre, l’argent constitue l’un de leurs principaux enjeux. Quelles sont les raisons qui poussent la femme fatale à agir de cette manière? La femme fatale apparaît ainsi comme le principal danger, le principal enjeu pour le héros, avant même l’argent ou l’alcool.
Partie 1 : Un mythe
Le mythe de la femme fatale remonte à la nuit des temps : depuis Eve, qui a été la première tentatrice devant l’éternel, une malédiction pèse sur le genre féminin. Accusées d’être l’instrument du Diable, responsables de tous les maux de l’humanité, les femmes ont été durant des siècles l’objet d’une fascination effrayée. Les femmes apparaissent au cinéma présentées d’abord comme séductrices, dans les Westerns par exemple, puis comme femmes fatales. « Fatale » signifie marquée par le destin. La femme est soit soumise à ce destin, soit envoyée par lui pour entraîner la perte des hommes.
Le personnage de la femme fatale apparaît d’abord en Europe aux alentours de 1910. Le Danemark invente les « femmes vampires », l’Italie « les divas », l’Allemagne « les femmes araignées ». Hollywood donne naissance à la « vamp » en 1914 dans A fool there was de Frank Powell. Le film s’inspire du poème de Kipling The Vampire. Dès lors, les caractéristiques sont fixées : la femme fatale au regard fascinant épuise les hommes par son ambition et ses appétits sexuels.
Il faut attendre 1940 pour voir de nouvelles incarnations de la vamp. Celles-ci sont façonnées par l’idéologie d’après-guerre. Elles incarnent l’ennemi de la valeur clé de l’époque : la famille. En effet, à cette époque il existe un véritable retour au conservatisme lié aussi au Maccarthysme ainsi qu’un réel relent de misogynie dû au fait que les femmes aient joué un rôle économique important lors de la guerre. La femme fatale est en effet le double inversé de la femme donneuse de vie, et de la femme victime. Les hommes demeurent sans volonté face à elle, bien qu’ils aient souvent conscience de leur erreur. La femme fatale ressemble à une drogue dont ils ne savent se défaire. Maîtresse prête à tout ou mauvaise épouse qui cherche à échapper à l’ennui, la garce est une diablesse, une femme à abattre. Le film noir s’est construit sur cette imagerie, offrant aux héroïnes une grande place dans les intrigues, de façon à ce que le spectateur aime la femme fatale, l’admire et la comprenne. Le public adore haïr ce personnage.
Partie 2 : Personnage au cœur du film noir
Section 1 : Les titres
Dans le film noir, la femme est souvent le personnage central de l’intrigue, c’est celle par qui tout commence et tout finit. La femme fatale incarne le mal, c’est dans les films noirs qu’elle est le plus souvent présentée parce que c’est le mal qui fait avancer le film. Un grand nombre de titres de films évoquent d’ailleurs l’héroïne, mettant en relief dès le départ sa place fondamentale. Elle peut donner son nom au film, les personnages éponyme sont par exemple : Gilda, Laura. Mais la plupart du temps ces personnages sont évoqués par leur statut de femme par exemple : La dame de Shanghai, La dame du lac, La femme au portrait, La femme aux cigarettes, Jenny femme marquée, La femme à abattre, Femmes marquées… Cette omniprésence s’explique par son rôle primordial dans l’intrigue. Pourtant, les femmes semblaient avoir, à l’époque une place moins visible dans la société.
Section 2 : Les « fonctions » de la femme fatale dans l’intrigue
Le film noir donne les rôles les plus complexes et les plus ambigus aux femmes. Elles ont un réel poids dans l’intrigue. Elles ne sont des faire-valoir qu’aux yeux de leurs maris ou protecteurs. Elles occupent d’ailleurs plusieurs "fonctions", étant à la fois l’objet de la quête, l’investigatrice de l’histoire, l’adjuvant et l’opposant aux actions du héros masculin. Un film tel que Laura est construit autour de la personnalité de l’héroïne centrale. La première phrase donne immédiatement le ton:
« Je me souviendrai toujours de la journée qui suivit la mort de Laura».
Jusqu’à la réapparition de la jeune fille, qui est en fait vivante, les personnages ne font qu’évoquer son souvenir, le paroxysme étant atteint lorsque le détective chargé de l’enquête contemple longuement son portrait. Sans même qu’on l’ait vue réellement à l’écran, elle hante déjà l’atmosphère. Otto Preminger réussit à donner à Laura la quasi totalité des fonctions de l’intrigue. Elle est tout d’abord l’objet du film, celle dont tout le monde parle mais qu’on ne voit pas. Puis elle en devient le sujet lorsqu’elle réapparaît. Elle est aussi l’objet de la quête du détective (qui l’arrête pour mieux la protéger).
Mais les autres personnages masculins ont aussi tous des intentions à son égard: Waldo veut la tuer pour qu’elle n’appartienne à personne et son fiancé veut la protéger, quitte à se mettre lui-même en danger. Elle sert d’associé à l’enquête, car sa réapparition fait avancer l’enquête du détective, tout en étant un opposant puisqu’elle cache des éléments au détective. C’est enfin elle qui résoud le mystère car cela la libère de Waldo, qui l’étouffe, et de son fiancé, dont elle n’était pas sûre. En prime, elle trouve l’amour. Son personnage est littéralement au centre de l’intrigue. C’est une héroïne moderne qui prend en main son destin avec succès.
Partie 3 : Une femme présentée comme irréelle
Section 1 : Par sa beauté
Si l’on parle beaucoup des actrices qui ont incarné ce personnage, c’est parce que leur apparence compte beaucoup. La vamp se doit d’être « belle à faire peur » , même si cette beauté, cache souvent son passé ténébreux. Le mal se cache sous un visage d’ange, comme le suggère le titre d’un film d’Otto Preminger : Angel Face, traduit en français par Un si doux visage. C’est pourquoi la femme fatale donne si souvent l’impression d’être irréelle et inaccessible. Au début de Laura, un film d’Otto Preminger, l’inspecteur Mac Petherson tient cette dernière pour morte. Il erre dans son appartement, fouille ses papiers, hume son parfum, boit son whisky, prend ses dessous dans sa commode et s’éprend de son portrait. Les amis de la victime lui parlent d’elle et peu à peu l’inspecteur tombe amoureux d’une femme qu’il apprend à connaître mais qui est morte. Une nuit, alors qu’il s’est endormi dans l’appartement de la jeune femme, celle-ci surgit devant lui. Interloqué, il se frotte d’abord les yeux, croyant avoir affaire à une apparition. Sa réaction symbolise l’effet que provoque chez tout homme la vue d’une femme fatale : il la croit tout juste sortie de l’un de ses rêves.
Cet effet que produit la femme fatale aux yeux des hommes se retrouve dans Out of the past de Jacques Tourneur : Jeff tombe sous le charme de Kathie Moffatt dès qu’elle apparaît, il tombe amoureux, alors même qu’il ne la connaît pas et qu’il était chargé de la retrouver pour Witt Sterling car elle était partie avec le magot.
Gilda, elle aussi semble être une apparition au héros lorsque son mari la lui présente. Il la reconnaît puisque c’est son ancienne maîtresse. Rita Hayworth est l’archétype de la femme fatale: super star reconnu par sa sensualité . Elle exploite son physique canonique pour l’intérêt de ces deux grands films Gilda et La dame de Shangai. Les studios Américains de l’époque contrôlent l’image de la star. En effet elle porte un manteau brillant et des robes qui la mettent en valeur malgré le code Hays mis en vigueur de 1934 à1953 qui joue un rôle fondamental dans la construction du film noir. En effet, il contraint les cinéastes à ruser avec la censure , ce qui contribue à créer une atmosphère propre au genre.
Ce code permet une lourde ambiguïté comme le célèbre jeu avec la censure dans la scène de Gilda , montrant Rita Hayworth ôter son long gant noir dans un strip-tease fortement suggestif. Il s’agissait pour Vidor de faire passer toute la frustration de cette jeune femme délaissée par l’homme qu’elle aime. Un autre exemple de ruse avec la même actrice dans la Dame de Shangai où le mal et la perversité doivent être suggérés et plutôt que montrés. Pour illustrer la noirceur d’âme de son héroïne, Orson Welles la vêt sans cesse de blanc et l’expose en plein soleil. On peut presque sentir le désir qu’elle suscite au détour d’une scène de bain de soleil apparemment innocente où elle est en fait offerte au regard de tous. L’associé de son mari l’observe même avec des jumelles. La caméra elle-même tourne autour d’elle et s’abat en contre-plongée sur son corps, comme pour mieux souligner la tentation qu’elle représente.
Section 2 : Par son mystère
La femme fatale a donc quelque chose d’irréel à cause de sa beauté mais aussi grâce au mystère qui se dégage d’elle et dans lequel elle s’enveloppe avec soin. Gilda explique par exemple à son mari qu’elle est née en le rencontrant et qu’elle n’a aucun passé.
L’héroïne de La Dame de Shanghai d’Orson Welles est énigmatique et parfaitement inaccessible. Elle se réfugie sur une falaise en maillot de bain d’où on ne peut que la voir. Son cœur est lui aussi inaccessible. La scène finale, dans une galerie des glaces, renvoie enfin l’image d’une Rita Hayworth multipliée à l’infini. On peut se demander laquelle est la vraie. Et comment seulement savoir s’il y en a une seule qui est réelle.
Dans Out of the past de Jacques Tourneur, Kattie est énigmatique et fascinante quand elle donne un rendez-vous imprécis au héros.
Section 3 : La femme irréelle cachée par la lumière
L’utilisation de l’éclairage participe beaucoup à l’imagerie de la femme fatale. Surtout dans les films noirs, où l’éclairage habillait les personnages. La femme fatale qui œuvre dans l’ombre et qui représente le côté obscur ne peut être que mise valeur par la clarté. C’est ainsi que se présente l’ambiguïté du personnage. Lorsque Gilda est prête à tout pour détruire l’homme qu’elle aime, elle s’exhibe sous les projecteurs en chantant la mémorable chanson « Put the Blame on Mame ». Dans Out of the past, la première apparition de Kathie est commentée par le héros qui dit « venant du soleil », elle semble être un ange. En effet, elle apparaît elle aussi sortie d’un rêve, quand elle entre dans le bar, le soleil est derrière elle, elle est vêtue de blanc. Elle est ainsi la parfaite incarnation de la femme irréelle.
Une autre forme d’utilisation de l’éclairage est à apprécier dans la scène de l’interrogatoire dans Laura, L’inspecteur dirige deux grosses lampes sur le visage de Laura. C’est d’ailleurs à partir de ce moment que l’inspecteur cessera de se comporter comme policier pour agir en amant. Devant un tel spectacle, le policier s’efface derrière l’homme et détourne cette lumière presque indécente, convaincu de l’innocence de la jeune femme.
Partie 4 : Son but, ses revendications
Section 1 : Une femme prête à tout
Les termes employés pour désigner la femme fatale parlent d’eux-mêmes : garce, harpie, vamp… Des appellations négatives pour mettre en valeur la nature maléfique de ce personnage. Le propre de la femme fatale est d’avoir un but à atteindre et d’être prête à tout pour y parvenir. Les femmes sont ambitieuses et feront tout pour satisfaire leurs passions : l’argent, les hommes, et le pouvoir. Pour ces héroïnes, « la fin justifie les moyens » et leurs armes sont des plus variées : manipulation, séduction, violence… rien n’est laissé de côté. Le motif le plus fréquent reste l’argent, cela est montré dans The Killing de Stanley Kubrick lorsque Val dit à sa femme Sherry : « Tu as un portefeuille à la place du cœur ». La « dame de Shanghai » pousse également le personnage principal au crime par avarice. D’une part, le héros accepte le marché qu’on lui propose car il a besoin d’argent pour s’enfuir avec elle. D’autre part, il participe sans le savoir à la sombre machination qu’elle a mise sur pied pour assassiner son mari et toucher l’assurance vie.
Les femmes fatales utilisent les dernières extrémités pour poursuivre leur quête financière, sentimentale ou obsessionnelle. Un point commun évident à ces comportements, le désir d’acquérir son indépendance, que ce soit en éliminant un mari gênant ou en amassant l’argent nécessaire. C’est ainsi que Kathie, l’héroïne de Out of the past de Jacques Tourneur est, au début du film comparée à un vampire car elle s’est enfuie avec vingt briques. La femme fatale est donc prête à tout et ses ambitions peuvent l’amener jusqu’à sa propre mort. C’est dans la dame de Shangai que la chute de la vamp est le plus exemplaire. Orson Welles détruit le mythe de la femme fatale en sublimant Rita Hayworth, dans un premier temps, pour mieux démasquer ensuite sa vraie personnalité de criminelle qu’elle-même avoue lorsqu’elle dit : « Le mal est en moi ». Pour la première fois, l’actrice est tuée à l’écran et ne meurt pas dans les bras du héros.
Section 2 : Un désir de se libérer de l’emprise masculine
Si les femmes fatales manifestent un tel comportement, brutal et manipulateur, c’est parce qu’elles désirent prendre leur revanche sur les hommes. La plupart des hommes, qu’ils soient mari ou protecteur, n’aiment pas réellement leur compagne. Ils la désirent, ou selon leur propre expression, ils sont « fous » d’elle. Ce qu’ils cherchent c’est plus une volonté de domination pour la domination qu’un réel amour. La femme fatale les obsède, ils veulent à tout prix la gagner par orgueil masculin, pour montrer leur puissance. La femme est alors réduite à un faire-valoir dont la beauté et la jeunesse doit se refléter sur eux. Cette domination masculine est parfois violente. Cette domination peut se manifester verbalement par exemple, comme dans la scène de Gilda, où son mari la contraint à refermer une fenêtre pour se calmer car il y a trop de bruit dans la rue.
Toute action libératrice de la femme peut-être assimilée à une revanche. C’est pourquoi le film noir s’attache à mettre en scène des femmes qui ont raison de recourir à la force ou à la ruse. Les hommes deviennent donc tous pour elle un ennemi potentiel. Elsa Bannister dans La dame de Shangai utilise le marin qui est amoureux d’elle pour se débarrasser de son mari. Cette raison est d’autant plus forte que le film noir dresse un portrait peu flatteur des hommes qui sont à la fois cruels, violents, machistes à l’image de Balen, le mari de Gilda qui l’achète comme un animal et qui se plaît dans l’exercice de sa domination.
Ainsi le portrait des hommes est le plus souvent peu flatteur. Ils sont souvent vieux et laids comme Mr Bannister dans La dame de Shangai qui marche en rampant et qui a besoin de deux cannes pour se déplacer. D’autre part, Mike O’Hara explique dès le début du film qu’il aurait dû se méfier de Elsa Bannister, mais qu’il n’a pas su résister à sa beauté. On voit bien qu’il regrette d’avoir fait cette rencontre. Il dit en effet en voix off :« l’inconscient c’était moi » et aussi : « certains sentent le danger, pas moi ».
Le héros masculin peut aussi être conscient de sa chute par exemple Jeff dans Out of the past est conscient qu’il tombe amoureux de Kathie et qu’il ne va pas pouvoir combattre contre ce désir. En effet, il possède assez de distance par rapport à cet amour car il en parle en voix-off. En outre, la femme fatale représente une attaque envers la femme traditionnelle et son environnement. En effet, elle refuse d’être la femme dévouée et la mère aimante que la société glorifie. Pour elle, mariage signifie ennui, absence de désir sexuel et de romantisme. On ne voit jamais les femmes fatales, même ayant trouvé l’amour, se marier pour devenir femme traditionnelle. L’héroïne de Gilda a déjà été mariée, et son véritable amour semble ne pas pouvoir se vivre à l’intérieur de ces liens. par l’amour. Elle se sent prisonnière d’une situation qu’elle n’a pas choisie et contre laquelle elle lutte.
La femme fatale semble donc désireuse de se libérer de l’emprise masculine. C’est donc pour cela qu’il est important de faire l’étude des représentations féminines de l’époque pour apprendre beaucoup de choses sur le statut qu’avait la femme et la vision que cherchait à en donner la société. Les hommes cherchent par tous les moyens à dominer la femme fatale ; ils veulent la tenir prisonnière en la réduisant au rôle de simple objet de fascination.
Dans Gilda, Balen est conscient d’avoir acheté son épouse comme on achète une chose. Il dit d’ailleurs à son homme de main Johnny de veiller sur elle comme il veille sur tout ce qui lui appartient. Gilda n’est pas la seule a bénéficier de ce statut de marchandise puisque la même Rita Hayworth semble être mariée pour les même raisons dans La dame de shangai. Le titre fait en effet référence à son passé trouble dont on devine qu’il dissimule une période de prostitution à Shangai.Enfin la femme fatale naît du regard que l’homme a bien voulu lui donner puisqu’on peut remarquer que tous les réalisateurs de film noir sont des hommes. C’est donc un genre masculin et les femmes sont influencées par le regard que les hommes portent sur elles.
Section 3 : Une aspiration à la liberté
La femme fatale qui manipule les hommes pour parvenir à ses fins ne fait donc qu’utiliser les uniques armes qu’on lui laisse pour exercer un minimum de pouvoir. La représentation cinématographique de ces obsessions de puissance et d’argent est finalement assez compréhensible. Elle ne fait que rejoindre les revendications féminines des dernières décennies à savoir l’égalité des salaires, l’égalité des chances et l’égalité des droits.
Laura, l’héroïne de Preminger, devient une femme en vue de par son talent de publiciste. C’est certes Waldo, un chroniqueur célèbre, qui l’a lancée, mais elle a gravi les échelons de la reconnaissance sociale grâce à son travail. C’est pourquoi elle aspire à se dégager de l’emprise de cet homme encombrant qui refuse de lui laisser son indépendance, sa liberté.
En outre, Gilda qui était danseuse, mène après son mariage une vie ennuyeuse dans le club privé de son époux. Elsa Bannister, dans La dame de Shanghai, est contrainte à mener la même existence : son mari, un riche avocat, l’emmène en croisière et satisfait le moindre de ses désirs. Mais elles n’ont aucune occupation précise, n’endossant même pas le rôle de la femme au foyer. Toutes deux, comme la majorité des femmes fatales, sont fondamentalement insatisfaites. Tenues prisonnières dans une cage dorée, elle sont incapables de travailler, elles n’ont pas d’autre recours que le crime. Mais ce sont des femmes célibataires (comme Laura) qui s’assument financièrement.
C’est donc toujours l’aspiration à l’indépendance qui se manifeste. En effet, sans argent dans la vie, personne ne peut survivre. Par leur cupidité, les héroïnes de film noir lancent donc un appel à l’émancipation.
Conclusion
En définitive, la femme fatale utilise toute sa séduction et son intelligence pour s’imposer dans un monde d’hommes, elle évolue en fonction des fantasmes du public masculin et de la position de la femme dans la société. La femme fatale a plus conquis le public qu’elle ne l’a effrayé. La destinée des femmes fatales est différente selon les caractères des femmes, certaines femmes meurent comme Elsa Bannister dans La dame de Shangai, d’autres sont « sauvées » par l’amour d’un homme capable de les comprendre et de les apprivoiser. A l’image de Gilda qui renonce finalement à ses tenues extravagantes pour vivre pleinement son amour avec Johnny. Mais aussi Laura n’a plus non plus peur de s’engager avec le détective Mc Petherson et se « range » à ses côtés.
La place de la femme serait-elle donc tout simplement auprès des hommes aimants? C’est justement parce que Johnny et Mc Petherson sont différents des autres hommes que Gilda et Laura peuvent s’unir à eux.Enfin, les femmes victimes du film noir ne sont pas non plus glorifiées par leurs actions. C’est ainsi que Mrs Bannion dans The big heat de Fritz Lang est une femme parfaite. Elle partage tout avec son mari, mais cette perfection la mène rapidement à la mort, elle paie ainsi les frais de son mari. Le film noir semble donc peindre un portrait négatif, non de la femme elle même mais de ses conditions d’existence. Le genre semble alors mettre en relief la position inconfortable des femmes dans la société conçue par et pour les hommes. En effet, du jour au lendemain, les femmes sont sorties de leur rôle traditionnel et ont revendiqué leur droit à une vraie place dans une société qui, à l’époque de la guerre froide, connut un relent de misogynie.
Filmographie sélective
* Nigtmare Alley (Le charlatan); Edmund Goulding/1947
* Out of the past (La griffe du passé ou pendez moi haut et court); Jacques Tourneur/1947
* Laura; Otto Preminger/1944
* Point Bank (Point de non retour); John Boorman/1967
* Night and the city (Les forbans de la nuit); Jules Dassin/1950
* The big heat (Règlement de comptes); Fritz Lang/1953
* Gilda; Charles Vidor/1946
* The Killing (L’ultime razzia); Stanley Kubrick/1956
* The lady from Shangai (La dame de Shangai); Orson Welles/1948
* The big sleep (Le grand sommeil); Howard Hawks/1946
* Asphalt Jungle (Quand la ville dort); John Huston/1950
* The barber; Joel et Ethan Cohen/2001
Sources
* Dossier du cinéma, Film/Cinéastes; Casterman/1975
* Dictionnaire mondial des films;Larousse; Bernard Rapp et Jean-claude Lamy
* Repère pratiques, Le cinéma ; Nathan ;F.Vanoye, F.Frey, A.Lété/1998