La Bataille de Culloden

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Voici le premier coup de génie de Peter Watkins. Resituons le contexte historique : 1746, Ecosse. L’Angleterre envoie une armée vaincre une fois pour toute les rebelles des highlands. Après une lutte sanglante, les Ecossais sont vaincus et voit le sort de leur pays scellé à tout jamais, alors que les soldats britanniques ont pour […]

Voici le premier coup de génie de Peter Watkins. Resituons le contexte historique : 1746, Ecosse. L’Angleterre envoie une armée vaincre une fois pour toute les rebelles des highlands. Après une lutte sanglante, les Ecossais sont vaincus et voit le sort de leur pays scellé à tout jamais, alors que les soldats britanniques ont pour ordre de « nettoyer » l’Ecosse de ce qu’il reste de rebelles. La bataille de Culloden est souvent citée comme « la bataille la plus mal menée de toute l’histoire de Grande-Bretagne » ; il faut dire que face aux canons et fusils de l’armée britanniques, commandée par des officiers expérimentés, se trouvent une poignée d’hommes, le plus souvent enrôlés de force, ne dépassant pas toujours quize ans et sans le moindre équipement adéquat si ce n’est un vulgaire sabre, le tout commandé par des officiers sans expérience, alcooliques et « débiles ».

Tous les ingrédients sont donc réunis pour faire de ce film un documentaire historique certes intéressant mais relativement classique ; c’était sans compter sur Peter Watkins, cinéaste déjà atypique à ses débuts, Culloden étant son premier film. Il avait alors 29 ans. L’art de Watkins peut en effet se résumer en un mot : connexion. Connexion entre la fiction et le documentaire, connexion entre les codes du cinéma et ceux de la télévision, connexion enfin entre l’écran et le spectateur. Watkins filme donc cette bataille et ses conséquences comme un reportage télévisé : caméra à la main, interviews des deux camps, données scientifiques, commentaire en voix-off… Intérêt d’une telle mise en scène ? Un déséquilibre total de la notion du temps, à partir du moment où nous avons l’impression de vivre cet événement comme s’il se déroulait actuellement, presque en direct. Watkins poussera constamment cette idée, son paroxysme arrivant avec La Commune (Paris, 1871) où, carrément, une équipe de télévision locale filme la révolte parisienne avant même l’invention de la télévision.

Déformation journalistique oblige, Watkins approche son récit d’un triple point de vue : celui des Ecossais, celui des Anglais et le sien. Evidemment, aucun n’est totalement objectif, mais la démarche de Watkins, anarchiste convaincu, est d’une telle puissance narrative qu’on en vient à adhérer ses opinions : ce sont les autorités les responsables de tous les malheurs. Pour preuve, ce sont les officiers et le Prétendant qui causent la perte de l’armée écossaise, tandis que les officiers britanniques tolèrent, pire, pratiquent, les pires horreurs sur le peuple écossais. Dans l’ensemble, il montre aussi le caractère borné des Ecossais durant la bataille, eux qu’ils sont à tolérer une alliance entre clans, tandis que les soldats anglo-saxons ont soif de meurtres et d’anéantissement de toute une race, celle des Higlanders. En à peine 1h10 de film, Watkins vient de démontrer la stupidité de la guerre (la mort d’enfants, les retombées sur le peuple, le massacre parfois fraternel…) et de l’armée, les conséquences de l’avidité (la mort de centaines d’Ecossais pour un Prétendant que personne n’aimait) et les conséquences qu’eurent une telle bataille, c’est-à-dire conduire à l’extermination d’une race toute entière, de ses cultures et traditions.

A plonger le spectateur comme « témoin » de l’action, Watkins parvient à créer un film intemporel, au discours universel et humaniste, lui qui s’est toujours posé comme ardent défenseur de la paix entre les hommes. Culloden, l’exemple type qu’un premier film peut être une franche réussite et annoncer l’arrivée d’un immense cinéaste dans le paysage cinématographique.

Titre original : Culloden

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Durée : 70 mn


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